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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 19.djvu/782

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chose de semblable à toi-même — qui marche sur les ondes, qui chante et qui soupire mélodieusement! »


Au troisième acte, au moment où l’Heure, qui emporte Démogorgon sur son char, arrive devant le trône de Jupiter, celui-ci est dans l’ivresse de la volupté et du pouvoir; Thétis, qu’il vient d’épouser, trône à ses côtés; l’Olympe célèbre une orgie. — En apercevant Démogorgon, il s’écrie : — Quelle est cette ombre redoutable? — Celui-ci répond : — Éternité. Ne demande pas un nom plus terrible. Descends et suis-moi au fond de l’abîme. Je suis ton enfant plus puissant que toi, comme tu es l’enfant de Saturne. Désormais nous devons habiter ensemble dans les ténèbres. » Démogorgon, l’insaisissable, ne peut être foudroyé comme les Titans. Jupiter tombe avec lui comme un aigle précipité par la foudre du haut du Caucase dans un tourbillon de grêle. Le tyran du monde n’étant plus, Hercule délivre Prométhée en lui disant : « Voilà ce que la force fait pour la sagesse, le courage et l’amour persévérant. » Hercule, Prométhée, Asia, Ione et Panthéa désormais ne se sépareront plus et vont habiter ensemble une grotte située au bord de la mer, car ils sont devenus les génies protecteurs de la terre renaissante et de l’homme régénéré qui se pénètre de leur esprit. C’est là que nous les trouvons au dernier tableau de ce drame, conçu dans un cadre aussi vaste que la théogonie d’Hésiode. La caverne est tapissée de plantes odorantes, pavée d’émeraude veinée; les larmes de la montagne y pleurent comme de longs diamans, un rideau de feuilles et de fleurs la protège contre le jour, et l’air y est toujours en mouvement. C’est là que Prométhée, entouré des trois Océanides et d’Hercule, se repose de ses labeurs en inventant les arts pour le bonheur des hommes, afin de peupler le monde avec « la progéniture immortelle de la peinture, de la sculpture, de la poésie ravissante, pendant qu’Ione chante des fragmens de sa musique de mer et par son sourire efface les larmes qu’elle fait verser.» Les Heures, appelées par Prométhée, reçoivent d’Ione une conque nacrée, don nuptial de Protée à Asia, et s’en vont vers les cités populeuses emportées par des coursiers rapides comme l’ouragan, fendant l’air qui s’allume sous les roues, et, soufflant dans la conque, elles répandent parmi les hommes la puissante musique qui dort dans ses nombreuses spirales. Bientôt elles reviennent et racontent à Prométhée la transformation de la terre. Ainsi lui reviennent les échos de cette œuvre de renaissance dont il est le centre et l’inspirateur. L’immense symphonie de l’univers enveloppe le Titan, heureux pour la première fois. Les Océanides, émues et graves, prêtent l’oreille avec ravissement aux voix lointaines qui saluent leur règne ; elles sentent, elles savent enfin que l’homme