protestations provinciales. Pour elle, il n’y avait plus de provinces, et elle ne voulait de frontières qu’à l’égard de l’étranger. En même temps qu’elle décrétait cette décision irrévocable, elle ordonnait à son comité de l’agriculture et du commerce de préparer le tarif uniforme qui devait, en se combinant avec les traités précédemment conclus, s’appliquer aux échanges internationaux.
Le comité du commerce se composait d’industriels qui avaient naturellement le plus grand intérêt à défendre le marché intérieur contre l’étranger et qui estimaient en parfaite sincérité que les consommateurs français devaient être tenus par patriotisme d’acheter avant tout les produits nationaux. Le traité de 1786 était à leurs yeux une faute et une cause de ruine. Ce fut dans cet esprit que le comité prépara le projet de tarif qui fut présenté par son rapporteur, M. Goudard, à l’assemblée nationale le 30 octobre 1790. Il proposait de frapper de prohibition, à l’entrée ou à la sortie, près de cent articles et d’assujettir le reste des marchandises à des droits qui dépassaient, pour certaines classes, le taux de 30 pour cent. On invoquait à l’appui de ces propositions vraiment excessives la tradition de Colbert, l’exemple de la législation anglaise et les principes de liberté! La liberté étant l’étiquette obligée de toute mesure législative, le rapporteur devait l’inscrire dans le préambule de son œuvre, mais il la définissait, quant au tarif, par un simple jeu de mots; il demandait que, « grâce aux taxes et aux prohibitions, le commerce eût la liberté d’exister. » Après s’être ainsi mis en règle avec la liberté, M. Goudard énonçait les doctrines économiques dont le comité réclamait l’application, et l’on trouve dans son rapport le premier exposé théorique du régime protectioniste. Il concluait en adjurant les Français et les Françaises de n’acheter que des produits nationaux. « L’habit français, dit-il, doit être fait par des mains françaises. On ne se présentera plus à la cour du roi des Français qu’avec le cœur et l’extérieur d’un Français. » Quant au contrebandier, il devait être frappé d’incapacité politique et noté d’infamie. Comme il était à craindre que les douaniers ne fussent pas en nombre suffisant pour défendre efficacement les frontières, le comité n’hésitait pas à leur associer les troupes de ligne, qui seraient fières de concourir à la protection du commerce et de l’agriculture. — On voit à quel point cette première élaboration législative s’écartait des tarifs de Colbert et des propositions soumises en 1787 à l’assemblée des notables. Il ne faut pas du reste s’en étonner; les industriels, qui formaient la majorité dans le comité du commerce, prétendaient faire acte de patriotisme et de liberté en recommandant toutes ces restrictions, qui, suivant eux, ne pouvaient nuire qu’aux étrangers.
Peut-être, au milieu des événemens et des incidens si graves qui