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eu le temps de diviser ni d’abattre. En surtaxant tous les produits agricoles venus de l’étranger, à commencer par le blé, en surtaxant les fers et les autres métaux qui étaient alors exclusivement traités au bois, on augmentait les revenus de la terre et des forêts, et l’on croyait appliquer avec certitude la législation douanière à la réalisation d’un système politique. C’était un parti-pris, contre lequel les protestations demeuraient vaines. Aux reproches des libéraux, la majorité de la chambre des députés répondait par l’exemple de l’Angleterre, où la nourriture du peuple était grevée des plus lourdes charges, et toutes les fois que l’intérêt agricole était en cause, elle votait les surtaxes avec une sorte d’emportement.

La chambre des pairs suivait à regret le mouvement qui entraînait la chambre élective. Dans l’examen des lois de douanes, elle prit l’attitude modérée et relativement libérale que tous les historiens de la restauration s’accordent à lui attribuer dans la discussion des lois politiques. Plus d’une fois ses orateurs les plus éminens signalèrent les exagérations contenues dans les projets qui avaient été adoptés par l’autre chambre, et les rapports de ses commissions n’épargnèrent ni les avis, ni les critiques ; mais, soit qu’elle voulût respecter absolument les attributions particulières de la chambre des députés en matière d’impôts, soit plutôt qu’elle craignît de créer des embarras au gouvernement, elle ne crut point devoir repousser les nouvelles lois. Ses objections purement platoniques eurent néanmoins pour effet de donner un point d’appui au gouvernement, qui résistait de son mieux, par l’organe de ses principaux ministres et du directeur général des douanes, M. de Saint-Cricq, aux exigences passionnées de la chambre des députés.

De même que, sous l’ancienne monarchie, le gouvernement représenté par de grands ou d’habiles ministres, par Colbert ou par M. de Vergennes, se montra plus éclairé sur les questions de douanes, plus libéral que ne l’étaient les états-généraux ou provinciaux et les corporations de leur temps, de même le gouvernement de la restauration se montrait en cette matière le plus clairvoyant et le plus modéré. S’il adhérait aux doctrines politiques qui tendaient à favoriser la grande propriété et à relever les influences détruites, il était loin de vouloir s’associer aux pratiques violentes que réclamait la chambre élective, et auxquelles applaudissaient, il faut le dire, les électeurs censitaires à 300 francs, ainsi que la plupart des chambres de commerce, très facilement conquises au régime des prohibitions et des surtaxes. Il voyait plus loin et plus juste. Il comprenait que le monopole pouvait tourner contre le progrès industriel, mécontenter la masse des consommateurs en amenant le renchérissement général des denrées et créer de graves embarras dans la politique étrangère, car il était à craindre que