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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 19.djvu/880

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La princesse de Condé venait de lui donner une seconde fille. La trêve de Vaucelles avait mis fin à la guerre, et Condé n’avait encore aucune dignité importante. Coligny inaugura son gouvernement de Normandie en rompant imprudemment la trêve, et Condé ne resta pas longtemps inactif : il dut quitter sa femme au moment où elle sortait d’une maladie qui avait mis ses jours en péril. « Je m’en vais visitant cette frontière, écrivait Coligny, le 25 avril 1557, à sa tante, de place en place... Je ne sçay si vous avez rien sceu de l’extrême maladie qu’a eue madame la princesse de Condé; mais on l’a tenue pour plus morte que vifve. M. le cardinal de Chastillon y estait, quy m’a mandé qu’il n’est possible à une personne se resouldre plus chrestiennement qu’avait fait ceste-là.» A peu de temps de là, la princesse de Condé eut la joie de voir sa sœur unie au comte de La Rochefoucauld; mais celui-ci, comme Condé, ne put longtemps goûter le bonheur domestique. Les Espagnols étaient entrés en Picardie, et la bataille de Saint-Quentin mit la France à deux doigts de sa perte. Les deux jeunes femmes apprirent que le connétable de Montmorency était prisonnier, comme La Rochefoucauld, Gaspard de Coligny, d’Andelot, que le duc d’Enghien, frère de Condé, avait été tué. Pour Condé lui-même, il se retira avec Nevers et continua à tenir la campagne pendant l’automne de 1557, l’hiver et le printemps suivant. Sa femme avait eu un second fils, Charles de Bourbon, le 3 novembre 1557, moins de trois mois après la funeste bataille.

Condé, irrité de n’avoir obtenu, après ses bons services, que le titre inutile de colonel-général de l’infanterie par-delà les monts, tomba malade, et sa femme, malgré une grossesse avancée, le conduisit au château de La Fère-en-Tardenois, qui était au connétable. Condé s’y rétablit et se rendit à La Ferté-sous-Jouarre : la princesse faillit y mourir des suites d’un accouchement prématuré; elle donna le jour à François de Bourbon, qui était son cinquième enfant, n’ayant elle-même encore que vingt-trois ans. M. le comte Delaborde fixe vers cette époque le moment où la princesse de Condé commença à faire ouvertement profession de la religion nouvelle. Il faut bien le remarquer, on n’allait pas de la messe au prêche, comme on retourna plus tard du prêche à la messe. Les premiers religionnaires prenaient à la lettre le mot de réforme; ils auraient préféré la réforme de l’église antique à l’établissement des nouvelles églises. Les deux religions n’avaient pas encore lutté les armes à la main. On attendait, on hésitait, avant de déchirer tous les liens du passé. Éléonore de Roye fut décidée par les exemples de Coligny, de son oncle d’Andelot, revenu de captivité, de sa propre mère, de quelques dames de ses amies. C’est en 1558 que Condé