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priait à cette époque le connétable d’acheter la terre de Germiny. Anne de Montmorency refusa et lui fit seulement une avance de 1,500 écus.

Les Guise, pour se débarrasser de Condé, l’avaient envoyé d’abord en ambassade au roi d’Espagne, à Gand; il avait engagé ses terres pour soutenir l’éclat de son rang, et, comme pour faire insulte à sa pauvreté, le cardinal de Lorraine ne lui avait donné qu’une ordonnance de 1,000 écus. On sait l’histoire du « tumulte d’Amboise, » et les massacres qui punirent la conspiration des huguenots; on tomba sur les petits partis qui arrivèrent un à un à Amboise, de diverses parties de la France. « La plupart des soldats obscurs du complot, dit le duc d’Aumale, avaient été passés par les armes, noyés ou pendus sans procès; le massacre fut effroyable. » On disait qu’il y avait une tête à la conspiration, un « capitaine muet. » Condé, soupçonné par les Guise, s’était présenté audacieusement à la cour, il tint le langage le plus fier devant le roi; parlant de ses ennemis, il osa dire : « Je veux leur faire confesser, à la pointe de l’épée, qu’ils sont poltrons et canailles, cherchant eux-mêmes la subversion de l’état et de la couronne, dont je dois procurer l’entretenement à meilleur titre que mes accusateurs. »

Quelles ne devaient pas être pendant ce temps les angoisses de la princesse, qui savait que son mari était bien réellement du complot! Elle ne fut rassurée que quand il quitta la cour et se rendit auprès de son frère à Nérac. Tout le royaume était en émoi, de grands mouvemens se faisaient dans le Midi. Convoqués aux conférences de Fontainebleau, où se rendirent les notables du royaume, Condé et le roi de Navarre craignirent de s’y montrer. Condé envoya à sa femme, retirée à Anisy, un gentilhomme Béarnais nommé La Sague, qui porta aussi des lettres à Mme de Roye, au connétable, à Écouen, et qui vit à Paris le vidame de Chartres et d’autres seigneurs de Paris. La Sague se rendit à Fontainebleau; il livra ses secrets à un officier, qui le trahit; il fut arrêté et « fut tant tiré sur la géhenne qu’il déclara tout ce qu’il savait et davantage[1]. » Les Guise triomphaient : ils persuadèrent au jeune roi que les deux princes retirés à Nérac en voulaient à sa vie. On fit écrire à François des lettres pour inviter le roi de Navarre à amener lui-même son frère à la cour. Mme de Roye, la princesse de Condé, étaient averties que, si Condé se livrait aux Guise, il était perdu. Catherine de Médicis elle-même voulait le sauver. « La reine-mère, dit Tavannes, escrivit au roi de Navarre qu’il vînt, y estant à demi forcé pour plaire à MM, de Guise, et, craignant d’estre découverte, sans

  1. R. de La Planche, p. 504.