des nouvelles du prince; mais le connétable ne savait point ce que celui-ci était devenu. Deux jours après seulement, ils apprirent tous deux, par un message de Coligny, que Condé était prisonnier. Le connétable envoya à la reine-mère une lettre citée par M. le duc d’Aumale pour lui recommander le prince de Condé, à la prière de la princesse. « Je suis, disait-il, prisonnier en sa maison, là où elle me faict si bon traitement que je tiens ma vie du soin qu’il lui a plu me faire. Par quoi je vous supplie très humblement de vostre bonté accoutumée avoir extrêmement recommandé mondit seigneur le prince, comme je sçay qu’il vous a pieu luy porter toujours fort bonne et grande affection, et que notre Seigneur a voulu que les charges de cette bataille soient passées, en sorte que j’espère il en réussira une bonne paix. « Le connétable, blessé d’une arquebuse à la mâchoire et d’un coup de pistolet, confia cette lettre à Antoine Caraccioli, prince de Melphe, qui avait été évêque de Troyes et avait abjuré après le colloque de Poissy. Caraccioli avait promis à la princesse de travailler à lui faire obtenir la permission de voir le prince captif; mais de Bèze raconte « qu’arrivé vers la reine il ne s’occupa que de ses propres affaires; il obtint la permission de se retirer dans sa demeure de Chasteauneuf, à la condition de porter des paroles à quelques seigneurs protestans, de qui il fut très mal reçu. » La princesse elle-même le chassa de sa présence.
La captivité de Condé était extrêmement étroite ; Éléonore de Roye ne pouvait avoir aucune lettre de lui, et ses lettres au prince ne lui parvenaient point. En vain implorait-elle la reine : « Quand vous entendrez, par le sieur de Rostain, fidèlement ce qu’il a veu au traitement de M. le connétable et la familière communication qu’il a avec un chacun, encore que l’égalité de l’un à l’autre soit par trop inégale, si m’oseray-je bien tant promettre de votre bonté, que ce quy m’a été jusques icy interdit, de ce que plus je désire me sera plus volontiers alors permis et concédé[1]. » Catherine de Médicis n’était pas émue de ces appels répétés; elle traînait le prince de prison en prison, pour le tenir d’aussi près que possible ; il fut transféré au château de Leneville, près Chartres, puis à l’abbaye de Saint-Pierre à Chartres, à Blois, et enfin au château d’Onzain, près d’Amboise.
La princesse écrivait lettres sur lettres à la reine-mère, à la reine d’Angleterre : elle obtint enfin la faveur de correspondre avec son mari; Condé était un otage important, et pouvait devenir un instrument de paix. « Mon oncle, disait Éléonore de Roye à son oncle le connétable, qui était l’otage des protestans, vous connaissez
- ↑ 30 décembre, manuscrit de la Bibliothèque nationale.