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professorat officiel se fera en connaissance de cause, et ce seront des maîtres familiarisés avec leur tâche, éprouvés à l’usage, connus de la jeunesse, qui monteront dans les chaires de l’état.

Nous avons dit que le système des docteurs libres produit une plus grande tension des forces. Rien ne vaut, pour fixer les idées, comme quelques chiffres : on nous permettra donc de prendre un ou deux exemples qui montreront quelles ressources d’instruction les universités allemandes mettent au service des étudians. Veut-on savoir par exemple combien l’Allemagne (sans y comprendre l’Autriche) a en ce moment, dans ses 20 universités, de professeurs d’histoire? — Elle en a 104, dont chacun fait de quatre à six leçons par semaine, quelques-uns davantage. Nos 16 facultés françaises comptent tout au plus une vingtaine de cours d’histoire, à deux leçons par semaine. — Veut-on savoir par combien de professeurs sont représentées la grammaire comparée et les langues orientales? Par 56 professeurs, dont chacun fait deux ou trois cours, chaque cours se composant de deux ou trois leçons[1]. Nos facultés n’en ont pas un seul, excepté Lyon, où un cours de grammaire comparée a été établi par le doyen.

Un tel ensemble de cours ne pouvant jamais être réalisé par l’initiative de l’administration, si bien disposée et si bien pourvue en ressources budgétaires qu’on l’imagine, il est indispensable, si nous voulons égaler nos voisins et si nous voulons avoir un haut enseignement digne de la France, d’introduire chez nous l’institution des docteurs libres. Quelques personnes paraissent craindre que, pour obtenir le succès, des moyens de mauvais aloi, tels que les généralités déclamatoires, les allusions politiques, ne soient quelquefois employés; mais, outre que tous les membres de l’université se trouveront placés sous l’autorité du sénat académique, il faudrait connaître peu l’effet surprenant qu’un cours rétribué exerce sur le professeur et sur l’auditoire. On a depuis longtemps remarqué que les cours payans sont plus condensés, plus clairs, plus pratiques que les autres. C’est dans les cours ouverts à tout venant qu’on a vu se former des popularités de nature contestable. Le danger serait plutôt que ces leçons ne dégénérassent parfois en préparation aux examens; mais le grand jour de l’université serait le meilleur remède contre ce défaut. Fions-nous à l’intelligence de ce public spécial, composé de maîtres et d’élèves, par qui les artifices, si l’on en essayait, seraient vite pénétrés, et auprès de qui le seul moyen de réussir d’une manière durable, c’est le talent et le travail.

Nous rencontrons ici une objection : comme l’étudiant français

  1. Voyez il Bollettino italiano degli studii orientali, dirigé par M. de Gubernatis 1876, p. 211.