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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 19.djvu/931

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projets de canalisation les plus avantageux ont été paralysés par l’avide défiance, les sournois calculs ou l’incorrigible discorde de ceux qui devaient profiter de l’eau! L’esprit d’association surtout n’est point encore entré dans les idées des campagnes, où l’action reste trop individuelle, isolée et indépendante comme par le passé. Les progrès si désirables de l’instruction pourront seuls éclairer les cultivateurs sur une entente plus raisonnée de leurs intérêts, alors qu’ils ne seront pas entraînés vers des sacrifices immédiats en vue de bénéfices futurs avec cette irrésistible ardeur des habitans de la vallée du Rhône.

La prise d’eau du canal se fait un peu en aval de la ville de Vienne, vers les roches de Condrieu. De là, le tracé se dirige sur la rive gauche, suivant à peu près les inflexions d’une ligne de pente régulière de 0m, 24 par kilomètre, ce qui est la déclivité ordinaire des conduites d’eau de cette importance. Comme la pente naturelle du Rhône est beaucoup plus considérable, le canal se relève graduellement au-dessus du lit du fleuve en se tenant sur les coteaux qui le bordent. Il passe ainsi au-dessus de Valence et de Montélimart, qu’il embellira de ses eaux jaillissantes. Comme le but capital de l’œuvre est la résurrection des vignobles du Gard, de l’Hérault et de l’Aude, le canal passe de la rive gauche sur la rive droite, au resserrement produit dans la vallée vers Mornas, un peu au-dessus de Pont-Saint-Esprit. Un vaste réservoir y est donc établi au point où la rive gauche surplombe en falaise, à une hauteur de 70 mètres. Les eaux descendent ensuite, dans la vallée profonde, par d’énormes tuyaux en tôle, qui traversent le fleuve sur un pont et remontent en siphon sur la rive opposée, pour déboucher dans un second réservoir.

Ce siphon, qui aura près de 3 kilomètres de long, constitue l’ouvrage d’art le plus important du projet. Bien que la dépense en soit de 7 millions, on peut le dire conçu dans un louable esprit d’économie. Certes M. Dumont aurait pu concevoir le plan d’un grandiose aqueduc, dépassant le légendaire pont du Gard, qui est dans le voisinage, éclipsant même l’ouvrage monumental de Roquefavour, construit par M. de Montricher au passage du canal de Marseille sur la rivière d’Arc ; mais le temps est passé où nos ingénieurs pouvaient faire grand : ils se contentent de faire bien, parce qu’il faut faire beaucoup. L’établissement de ce siphon aurait été évité en portant le canal sur la rive droite dès le point de départ; c’est ce tracé qu’indique M. Krantz dans son rapport à la commission nommée en 1871 par l’assemblée nationale pour l’étude de l’amélioration de nos voies de communication. Mais, s’inspirant des études faites sous la restauration par l’éminent ingénieur Cavenne pour la construction d’un canal de navigation latéral au Rhône,