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déclarèrent l’institution de l’esclavage condamnée par la conscience, incompatible avec un gouvernement républicain, et appelèrent Abraham Lincoln à la présidence des États-Unis pour appliquer et faire triompher leur programme. En même temps, par l’adoption du tarif Morill, ils déclaraient la guerre aux intérêts du sud. On vit alors cette même force, qui avait fondé et créé l’Union, se retourner contre elle. La rupture du nord et du sud désorganisa les cadres de l’administration, de la diplomatie, de l’armée et de la marine, où les officiers étaient presque tous des hommes du sud. On sait le résultat de cette lutte gigantesque, la victoire du nord, la ruine du sud et les haines profondes qui subsistent.

De cet exposé rapide se déduisent certaines conclusions. Il est évident que le nord a dû être et a été le foyer du journalisme. Là presse naît de la diversité des intérêts et des tendances. Elle tarde à paraître là où cette diversité tarde à se produire. L’antagonisme de vues entre le nord et le sud s’est accentué surtout dans le nord, où l’éducation était plus répandue, où les grands centres se créaient et se peuplaient plus rapidement, où les idées républicaines dominaient et où les intérêts commerciaux, politiques et sociaux appelaient la libre discussion et demandaient des renseignemens exacts et précis. L’histoire de la presse aux États-Unis est donc surtout l’histoire de la presse des états du nord, et ce ne sera qu’incidemment et accessoirement que nous aurons à en suivre le développement dans le sud.


II

Nous avons constaté que le premier journal américain avait paru le 25 septembre 1690, qu’il avait vécu un jour, et que l’éditeur avait dû émigrer en Angleterre. L’insuccès d’Harris avait découragé ceux qui pouvaient être désireux de l’imiter ; aussi de 1690 à 1704 aucune tentative ne fut faite pour remplacer le Publick Occurrences. Le 24 avril 1704, John Campbell, directeur des postes à Boston, tenta de nouveau l’aventure. Sous le titre de Boston news Letters, il publia sous un petit format une sorte de feuille d’avis hebdomadaire. Le premier numéro né contenait que des annonces de maisons à louer ou à vendre, des signalemens de domestiques qui avaient quitté leurs maîtres, des indications de navires en partance.

Si dépourvue d’intérêt qu’elle nous paraisse, cette publication causa une profonde émotion dans la ville de Boston. Le premier numéro fut porté en hâte par le magistrat au président de l’université d’Harvard comme une des plus étonnantes curiosités que l’on pût