Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 20.djvu/135

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

indépendance, mais forçait l’Angleterre et avec elle les états européens à compter avec la jeune république. Un autre résultat de cette guerre fut de donner à la presse antifédéraliste la consécration du succès, d’augmenter son prestige auprès de l’administration et dans le congrès et de faire élire président son candidat James Monroe, qui reçut 183 votes présidentiels contre 34 donnés au candidat fédéraliste Rufus King.

De cette époque date l’influence considérable exercée par la presse sur les élections, et la pratique, depuis consacrée par l’usage, de distribuer au parti victorieux les places et les emplois conquis par le vote sur le parti vaincu et dépossédé. Le cadre de ce travail ne nous permet, pas d’étudier les conséquences qu’a eues pour les États-Unis l’application de cette théorie absolue, vivement critiquée par les uns, qui y voient une destruction systématique et périodique des rouages administratifs, préconisée par les autres, qui n’admettent pas que l’administration laisse aux mains d’adversaires politiques le maniement des affaires.

La paix était à peine conclue que la presse républicaine, représentée parce que l’on a appelé le triumvirat des journaux, l’Enquirer, le Globe et l’Albany Argus, organisa dans tous les états une coalition puissante, dirigée par Martin van Buren, William Marcy, John A. Dix, qui devaient tous trois jouer un rôle considérable dans l’histoire de leur pays. Cette coalition ne tarda pas. à dominer le président et son cabinet. Van Buren, Marcy et Dix étaient désignés dans la presse sous le nom de régence d’Albany. Ils faisaient et renversaient les ministres ; leurs journaux, tout-puissans, exigeaient et obtenaient le renvoi de leurs adversaires de toutes les places, les plus élevées comme les plus modestes, et désignaient au pouvoir exécutif leurs candidats, aussitôt acceptés. Ce n’était pas seulement le pouvoir fédéral qui était obligé de compter avec eux ; dans chaque état, ils exercèrent la même inquisition et rencontrèrent la même obéissance. En quelques mois, les fédéralistes furent exclus de toutes les positions officielles et remplacés par les candidats proposés par les journaux du parti vainqueur.

A aucune époque, l’intervention de la presse dans les questions de personnes et de politique générale ne fut aussi dictatoriale. C’est la presse qui souleva, la question de l’acquisition de la Floride à l’Espagne et décida le vote par le congrès d’une somme de 25 millions de francs, prix auquel l’Espagne consentit à céder sa colonie. « L’Amérique aux Américains » devenait le mot d’ordre national. la reçu depuis de nombreuses consécrations par la conquête de la Californie et du Texas, l’annexion de l’Orégon, l’achat d’Alaska à la Russie et les démonstrations menaçantes faites à