résolûment persévéré dans la voie nouvelle dont l’utilité n’était plus contestable.
Bennett fut également un des premiers à se rendre dompte des progrès immenses que devait amener, tant dans l’industrie que dans le mode de locomotion, l’application pratique de la vapeur. « Une des tentatives les plus grandioses du siècle, écrit-il en 1835, est celle qui consiste à relier l’ancien au Nouveau-Monde par un service de bâtimens à vapeur. » Sans cesse ni trêve, il développa cette thèse pendant des mois, ralliant des adhérens ; gourmandant la lenteur du congrès à voter une subvention et lui prédisant, ce qui arriva en effet, que l’Angleterre, plus intelligente et plus soucieuse des intérêts commerciaux, prendrait l’initiative et ferait de la compagnie projetée une compagnie essentiellement anglaise.
Un an après la publication de son premier numéro, Bennett avait pu rembourser les avances consenties par ceux qui lui avaient fait crédit pour le papier, les types, etc. Le nouveau journal pouvait équilibrer ses recettes et ses dépenses. L’éditeur, sans plus attendre, décida d’agrandir son format et affirma une fois de plus son programme. « Dans une ville comme New-York, écrivait-il il n’y a pas de limite à l’esprit d’entreprise ; le travail, la capacité et le talent peuvent tout oser. L’année dernière, quand je commençai la publication de mon journal, sans capital et sans amis, on se moquait de moi, j’étais un fou, un cerveau fêlé. A force de travail, d’économie et de détermination, je me suis maintenu, j’ai eu raison de mes adversaires, et j’inaugure aujourd’hui dans le journalisme une ère nouvelle dont les résultats étonneront un jour l’Amérique entière. »
Ce n’est pas, on le voit, par la modestie que brillait l’heureux éditeur du New-York Herald ; mais on ne saurait lui refuser un coup d’œil juste, une indomptable persévérance et une remarquable intelligence des transformations que la société moderne était appelée à subir, des besoins nouveaux qui allaient se manifester et du rôle que la presse était destinée à jouer. Les chemins de fer et les bateaux à vapeur, en abrégeant les distances, en facilitant les transports, ouvraient à son ambition un champ immense dans l’avenir et, pour le présent, devaient, d’après ses calculs, décupler, centupler te nombre de ses lecteurs. Aussi fut-il le premier à s’assurer, partout où cela lui fut possible, des correspondans intéressés à la vente de sa feuille. Lorsqu’en 1836 le général Houston quitta New-York pour prendre le commandement des troupes américaines qui allaient envahir le Texas, il invita Bennett à l’accompagner. Le Herald commençait à peine à percer, mais son éditeur n’en répondit pas moins : « Qu’irais-je faire au Texas ? New-York n’est même pas assez vaste pour moi. »