James Gordon Bennett Jr continue à marcher sur les traces de son père et à maintenir le Herald au premier rang de la presse américaine. Actif et énergique, il s’est signalé lui aussi par certains faits que ses adversaires qualifient de gigantesques réclames. Nous en citerons quelques-uns : au lendemain de la bataille de Sadowa et de la paix conclue avec l’Autriche, le roi de Prusse prononça un discours important à l’ouverture du Reichstag. Le correspondant à Berlin du New-York Herald se présente au bureau du télégraphe quelques heures après et remet à l’employé étonné le discours du roi, en le priant de le télégraphier à New-York. « A New-York, répond celui-ci ; mais il me faut le temps de calculer ce que cela coûtera, c’est une somme énorme. — télégraphiez toujours, dit le correspondant, déposant 50,000 francs sur le bureau, nous compterons après. » tout compte fait, la dépense était de 36,000 francs, mais le Herald publiait le discours à l’heure même où il paraissait dans les journaux de Berlin.
En 1868, il fit mieux encore : il envoya Stanley, devenu fameux depuis, en qualité de correspondant à la suite de l’armée du général anglais Napier, qui entrait en Abyssinie. On attendait avec une vive émotion à Londres les nouvelles de cette expédition hasardeuse. Stanley, à la disposition duquel le journal avait mis des sommes considérables, trouva moyen de gagner de vitesse, à l’aide de relais organisés d’avance, les courriers du général en chef. Le Herald fut le premier à annoncer les succès obtenus et à envoyer de New-York au gouvernement anglais, par le télégraphe, les nouvelles impatiemment attendues. On n’a pas oublié enfin que, sur l’ordre de son éditeur, Stanley se rendit en Afrique, retrouva Livingstone, et devança si bien l’expédition anglaise envoyée à la recherche de l’illustre voyageur, qu’il revenait à Zanzibar, son but atteint, au moment où les explorateurs se mettaient en marche pour pénétrer dans l’intérieur de l’Afrique. Ce résultat extraordinaire, dû à l’initiative d’un simple journaliste, parut si peu vraisemblable, que l’on commença par révoquer en doute les récits de Stanley, et que l’on n’y ajouta foi que le jour où il remit à la Société géographique de Londres les lettres et le journal de Livingstone lui-même. Réclame pour réclame, celles-là, ont du moins le mérite d’une incontestable utilité.
Si nous avons choisi le New-York Herald pour en faire l’objet d’une étude particulière, c’est que son histoire résume mieux qu’aucune autre celle du journalisme moderne aux États-Unis. Il nous a paru curieux aussi de constater les résultats d’une entreprise aussi hardie qu’originale : fonder dans un milieu moderne un journal indépendant de tout parti politique, ne relevant d’aucun, ne