Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 20.djvu/215

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’il croyait définitive, essayait de vaincre les dernières résistances des anciens partis et les conviait à se rapprocher du trône par un mélange de railleurs reproches et de flatteuses avances ; les Ganaches, pour qui les relit aujourd’hui, font revivre encore avec vivacité le sentiment politique de cette heure passagère. On commençait bien à s’alarmer quelque peu des menées du radicalisme, encouragé par la durée déjà longue du régime impérial, lorsque parut cette parodie des coteries politiques provinciales qui a pour titre : Nos bons villageois, et il y avait bien quelque mésintelligence entre le gouvernement d’alors et messieurs du clergé, refroidis par les affaires italiennes, lorsque la comtesse Séraphine vint présenter au Gymnase le spectacle de ses tardives dévotions. De même les Merveilleuses ne pouvaient choisir un temps plus opportun que la troisième république pour étaler sur la scène les folles mœurs de la première, et il est remarquable que Rabagas, satire d’ailleurs peu cruelle des républicains, a choisi pour faire son entrée un des très rares momens d’indécision où la fortune a fait semblant de ne pas vouloir sourire à ces heureux prédestinés, terreurs du passé, mais maîtres du présent et peut-être de l’avenir. Comme tout réussit aux habiles, quand ce n’est pas la volonté de l’auteur qui choisit l’heure de ses productions, le hasard se charge de ce soin et s’en acquitte à merveille. Le drame de Patrie ! on en conviendra, ne pouvait arriver en meilleur temps qu’à la veille de la terrible guerre de 1870, et le remarquable tableau des discordes civiles qui porte pour titre la Haine, venant dans les années qui ont suivi la commune aux durables souvenirs, ne pouvait certes être accusé de manquer d’actualité.

Ces deux derniers titres, Patrie ! et la Haine, rappellent la plus haute et la plus hardie des ambitions qu’ait eues M. Sardou ; il a voulu se mesurer avec le drame historique, et son adresse est telle qu’on ne peut dire que la tentative lui ait été fatale. Certainement, s’il relit aujourd’hui l’imparfait tableau qu’il a essayé de tracer de la révolte des Flandres, il doit s’avouer qu’une succession de scènes rapidement enlevées et courant pour ainsi dire les unes après les autres ne suffit pas pour faire un drame où revive l’âme d’une époque aussi pleine de mâles sentimens que celle qu’il a mise au théâtre, que quelques traits excellens ne suffisent pas pour composer une figure comme celle du duc d’Albe, qu’il est parfaitement mutile d’introduire un personnage tel que le taciturne pour le faire entrevoir à peine, et que lui faire prononcer quelques paroles insignifiantes est plutôt une parodie qu’une imitation de ses habitudes silencieuses. Il n’en est pas moins vrai que ce drame défectueux de Patrie ! contient une des plus belles scènes qu’il y ait