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l’a du moins laissé entendre par la circulaire du prince Gortchakof. L’Angleterre, elle aussi, n’a point tardé à exprimer son opinion dans les débats de son parlement ; elle l’a développée avec ampleur, sans subterfuge, par les explications nouvelles de lord Derby répondant au duc d’Argyll aussi bien que par un habile discours du ministre de la guerre, M. Gathorne Hardy. A son tour, l’empereur Guillaume, en ouvrant ces jours derniers le Reichstag à Berlin, s’est étudié tout à la fois à réserver la politique de l’Allemagne et à témoigner une certaine confiance dans le maintien de la paix continentale, « alors même que ne se réaliserait pas l’espérance de voir la Porte exécuter de sa propre initiative les réformes que la conférence a reconnu être un besoin européen… » Au fond, ce qui résulte de toutes ces manifestations récentes, également sérieuses, quelles que soient les nuances de langage, c’est que l’accord formé à Constantinople survit à la conférence comme la garantie la plus précieuse ; jusqu’ici, il resté intact. La question est maintenant de savoir comment on l’interprète, comment on veut en poursuivre l’application, quelles conséquences les diverses politiques prétendent dégager de cette rassurante communauté de vues, et c’est là évidemment l’objet nouveau du travail de négociation engagé aujourd’hui entre les puissances dans l’intérêt de la paix européenne, pendant que la Porte négocie sa paix particulière avec la Serbie et le Monténégro. Ces deux ordres de faits se déroulent parallèlement ; ils se lient, selon l’expression de l’empereur Guillaume. Résumons cette situation au point où elle est arrivée. La paix avec la Serbie et le Monténégro, si elle est définitivement conclue, c’est le premier pas ; le second pas, c’est l’entente maintenue, organisée, fortifiée entre les puissances dans l’intérêt de ce programme de réformes et de garanties représenté comme une condition de la paix européenne par une amélioration sérieuse de l’état de l’Orient.

Le double but est précisé et reconnu ; il se dégage de cette laborieuse histoire qui va de péripétie en péripétie depuis plus d’une année. Quels seront les meilleurs moyens pour l’atteindre ? En d’autres termes quelle est la forme la plus efficace sous laquelle se manifestera et s’exercera cet accord européen auquel les grands gouvernemens attachent un juste prix, qu’ils se préoccupent de maintenir après l’avoir créé ? voilà toute la question, et puisqu’on s’est entendu sur le principe de cet accord, pourquoi ne continuerait-on pas à s’entendre sur les moyens d’exécution ? Qu’on le remarque bien, dans une affaire dont le péril est dans ce qu’elle a d’immense et de vague, tout est à combiner, à mesurer, si l’on veut tenir compte des intérêts divers qui sont en jeu, que la diplomatie. a réunis dans ses programmes. On veut assurer aux populations orientales les bienfaits de la civilisation, la sécurité de leur foi, de leur vie, de leurs intérêts ; mais en même temps on veut maintenir la paix