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pour la reine, Narvaez aussi l’eût préféré, mais il n’y avait aucun espoir de faire fléchir sur ce point la résolution de Louis-Philippe. Elle se résigna donc, heureuse encore de ce demi-résultat. Il y avait là pour elle un intérêt politique étroitement uni aux motifs d’affection et de famille ; un Bourbon d’Italie ou d’Espagne ne devant pas apporter une grande force à la royauté d’Isabelle, il fallait que le second mariage fit apparaître à côté du trône l’image protectrice de la France.

Tel était vers la fin de l’année 1844, au moment du mariage du duc d’Aumale avec la fille du prince de Salerne, le système confié à M. Bresson par M. Guizot : le comte de Trapani, ou bien, à son défaut, l’un des deux infans d’Espagne, Cadix ou Séville, pour la reine Isabelle ; le duc de Montpensier pour l’infante. Il était bien entendu que le roi Louis-Philippe, fidèle à son principe de ne rechercher le trône d’Espagne pour aucun de ses fils, mettrait un intervalle raisonnable entre le mariage de la reine et celui de l’infante ; c’est ce qui fut répété tannée suivante au château d’Eu, dans les conversations de Louis-Philippe avec la reine Victoria et lord Aberdeen.

Pendant ce temps-là, sir Henry Bulwer poursuivait toujours son siège, creusait les tranchées, disposait les mines et préparait l’assaut. Vainement le roi Louis-Philippe et la reine Victoria, M. Guizot et lord Aberdeen, étaient-ils parfaitement d’accord sur la double combinaison que nous venons d’indiquer, sir Henry, soutenu évidemment par l’assurance de ne pas déplaire à certaines influences occultes, se croyait en mesure de tenir en échec les deux gouvernemens d’Angleterre et de France. Vers le milieu de novembre 1845, trois mois après la seconde visite de la reine Victoria au château d’Eu, M. Guizot apprit tout à coup de Londres et de Madrid, par le comte de Jarnac et le comte Bresson, que l’intrigue Cobourg prenait des proportions inquiétantes. Le jeune prince Léopold, accompagné de son père et de sa mère, le duc et la duchesse Ferdinand de Cobourg, venait d’arriver à Londres ; on disait qu’il devait se rendre de là chez son frère, le roi de Portugal, et, poursuivant son voyage, se montrer bientôt à Gibraltar, à Cadix, à Madrid. C’était toute une mise en scène dont le sens n’était que trop manifeste. Sir Henry Bulwer avait distribué les rôles ; l’action allait marcher vite et le dénoûment était prochain. Aussitôt réclamations très vives de M. Guizot auprès de lord Aberdeen par l’entremise du comte de Jarnac ; réponses un peu embarrassées de lord Aberdeen, réponses qui ne jettent aucun doute sur la loyauté de ce parfait homme de bien, mais qui attestent une situation équivoque dont il souffre tout le premier. Ce qui rendait ces réponses encore moins rassurantes, c’est que le ministère tory était condamné à une dissolution