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prouvée avec tant d’éclat par son mariage avec une princesse de Naples, il est inconcevable que lord Palmerston parle aujourd’hui au comte de Jarnac, mon chargé d’affaires à Londres, dans un billet écrit de sa main, de celle ambition cachée qu’il juge à propos de considérer comme le mobile de ma conduite relativement au mariage du duc de Montpensier avec l’infante Louise-Ferdinande. »


Le roi rappelle ensuite la marche de l’affaire, le parti auquel il s’est arrêté, le principe qu’il a établi touchant le mariage de la reine, la nécessité de choisir le roi d’Espagne parmi les descendans de Philippe V, l’acquiescement de lord Aberdeen à ce système, sinon au point de vue des doctrines, du moins au point de vue des faits, l’approbation donnée par le ministère tory à la candidature du comte d’Aquila d’abord, ensuite du comte de Trapani, et il ajoute cette page que nous ne pouvons nous dispenser de transcrire :


« … Ce fut au milieu de cette lutte que fut mise en avant, n’importe par qui, n’importe comment, l’idée de donner pour époux à la reine d’Espagne le prince Léopold de Saxe-Cobourg, neveu du roi des Belges, cousin germain de la reine Victoria et du prince Albert, frère du roi de Portugal, de la duchesse de Nemours et du prince Auguste mon gendre. « Cette candidature fut un incident bien fâcheux. Elle a faussé toutes les positions, la mienne surtout, par l’opposition que j’ai cru de mon devoir d’y apporter ; et je vois encore, par les termes même de la lettre de la reine Victoria, à quel point on se trompe et on est injuste de son côté dans l’appréciation qu’on fait des motifs qui ont dicté cette opposition. Ces motifs étaient puisés autant dans la sincère amitié que je porte aux princes de Cobourg (et dont je crois leur avoir donné plus d’une preuve dans la part que j’ai prise à faciliter les nouvelles illustrations de leur maison) que dans les mêmes considérations politiques qui me portaient à écarter mes propres enfans de cette candidature. J’étais convaincu, et je le suis plus que jamais, que le succès de cette candidature n’aurait servi qu’à attirer des malheurs sur la tête de ce jeune prince, et aussi sur celle de la reine elle-même (si elle l’avait épousé), en amenant le renversement de leur trône, et en plongeant l’Espagne dans cette anarchie dont il est toujours difficile de la préserver. Tu sais, ma bonne Louise, à quel point j’ai développé cette opinion, tant dans mes conversations avec ton excellent roi que dans lus lettres que je lui ai écrites, et tu dois te rappeler tous les argumens dont je me suis servi pour la motiver. Je ne les répéterai donc pas dans cette lettre déjà si longue, mais je te rappellerai combien j’ai constamment regretté que l’exemple que j’ai donné en prononçant moi-même l’exclusion de mes fils n’ait pas été suivi, et que cette candidature, dont le succès me paraissait devoir être un malheur pour tous, n’ait pas été formellement repoussée