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Aussitôt dit, aussitôt fait. Le bourru montagnard ouvre avec fracas la porte de la chambre où Wally repose, et entre vivement, suivi de Léandre et de Nicodème. À cette apparition tapageuse, la Marianne, sœur des Klotz, qui est assise au chevet de la malade, fait à Benoît signe de se taire ; mais, à peine Benoît a-t-il jeté un regard sur Wally qu’il modère de lui-même son pas et s’approche du lit plus lentement.

« La jeune fille dormait profondément. Elle était couchée sur le dos, son beau bras arrondi au-dessus de sa tête. Son abondante chevelure brune retombait toute dénouée sur sa blanche poitrine, qu’une épaisse camisole rustique avait garantie du hâle et du soleil, et dont une ample chemise de toile laissait voir à nu un petit coin. Elle avait en dormant la bouche entr’ouverte comme par un sourire, et deux rangées de petites dents pareilles à des perles brillaient entre ses lèvres charnues. Sur son front assoupi régnait un air de grandeur et de chasteté dont la muette éloquence ne saurait se traduire en paroles. « Benoît était devenu silencieux, tout à fait silencieux. Il considéra longtemps avec une sorte d’étonnement cette image décevante et pudique. Son visage basané prit peu à peu une coloration de plus en plus animée, jusqu’à faire concurrence à celui de Léandre, qui jetait l’éclat d’un brasier ; puis il serra les dents, et, se retournant : — Elle est vraiment malade, murmura-t-il d’un ton qui signifiait : Il n’y a par conséquent rien à faire. — Après quoi, il sortit sur la pointe des pieds. »

Il ne tient bientôt qu’à Wally, pour qui l’antique droit d’asile a élargi singulièrement ses franchises, de devenir à son choix la femme de Benoît ou celle de Léandre, et de rester, en qualité de fermière, à Rofen, où le vautour, lui aussi, a trouvé hôtellerie à son goût ; mais, toujours hantée par le souvenir de Joseph, elle décline les offres matrimoniales des deux Klotz. Le prudent Nicodème d’autre part, voyant de quoi il retourne, s’est rendu auprès du Stromminger, et par ses sages observations a obtenu de lui qu’il renonçât à l’idée d’enfermer sa fille et qu’il se contentât de la bannir comme devant. Il a été décidé que l’enfant rebelle reprendrait pendant l’été la garde du bétail au Hochjoch, et que l’hiver elle serait libre de se mettre en service où elle le voudrait, pourvu qu’elle ne rentrât pas au village. Voilà donc Wally réinstallée dans sa hutte solitaire face à face avec les génies, de plus en plus inoffensifs, de la montagne. Rien n’eût troublé cette année-là le séjour de la jeune fille au Murzoll, sans un incident inattendu qui vint compliquer d’un nouvel élément son amour opiniâtre pour le beau chasseur de Sölden.

Un matin du mois de juillet, comme au plus fort d’un violent