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morts, qu’il ne faut pas confondre avec la vie dans un autre monde. On a supposé aux morts, même sous la tombe, des besoins matériels et moraux. On a pensé leur être agréable en plaçant à côté d’eux des objets d’utilité ou de luxe, en ornant avec soin ou même avec magnificence leurs sépultures. Les autres raisons qui ont dû contribuer au développement du luxe funéraire ne sont ni moins manifestes, ni moins persistantes, quoi qu’en aient pu dire ces singuliers égalitaires auxquels j’ai fait allusion, qui, tantôt au nom de la religion mal entendue, tantôt au nom de la démocratie mal comprise, se sont opposés à ce que l’illustration, le rang, la richesse, fussent comptés pour quelque chose là encore. Ces idées ont pu un instant se faire jour avec la commune d’Hébert et de Chaumette ; on les rencontre dans quelques écrits qui parurent à l’époque du directoire, quand la question des honneurs mortuaires fut mise à l’ordre du jour avec celle de la réorganisation des cimetières ; elles étaient, s’il se peut, encore plus chimériques que tant d’autres analogues qui s’inspiraient du nivellement absolu.

Tous ces mobiles devront se retrouver dans le fait que nous nous proposons de suivre historiquement. Peut-être y rencontrera-t-on l’explication de questions, peu éclaircies jusqu’à notre temps, qui se rapportent à l’intelligence de ces monumens. Ainsi entouré des circonstances religieuses, morales ou sociales qui en rendent compte, le faste funéraire devient un des plus saisissans et souvent un des plus clairs symboles des différentes civilisations.


I

Il y a un luxe funéraire primitif dont on trouve la preuve écrite dans les dessins, emblèmes, sculptures, qui ornent le sarcophage ou la pierre des tombeaux. Il se témoigne surtout par les objets travaillés avec plus ou moins d’art qui sont déposés dans les sépultures. Outre les révélations qu’ont apportées à cet égard les époques dites préhistoriques, l’étude de la vie sauvage et celle des peuples qui habitaient l’Amérique au moment de sa découverte sont devenues une mine précieuse d’observations. C’est surtout dans les obsèques que se manifeste cette sorte de faste chez les tribus indiennes. Walter Scott parle dans Waverley des clans écossais où les familles les plus pauvres épuisaient leurs dernières ressources en repas funèbres et pour faire à leurs morts des funérailles convenables. M. de Chateaubriand fait la même remarque, qu’on trouve aussi chez d’autres écrivains, dans son Voyage en Amérique, pour les tribus américaines ; il y joint une description de ces obsèques qui montre qu’elles étaient aussi, somptueuses que possible. Les usages mexicains rappellent les traits généraux du faste