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impatiente d’en finir avec ce qui avait été l’objet d’une vénération religieuse. Qui n’aurait cru alors que c’en était fait à jamais de l’étude de ces monumens empreints d’un triple caractère religieux, monarchique et aristocratique, profondément odieux à la démocratie révolutionnaire ? Eh bien, il n’en a rien été. Il s’est trouvé une élite de chercheurs érudits, d’artistes intelligens, d’historiens curieux de tout ce qui a vécu et de tout ce qui porte une signification, pour réveiller le feu sacré de l’archéologie nationale sous les coups mêmes de la fureur iconoclaste qui s’acharnait à détruire les antiques sépultures et qui en jetait les débris au vent. On n’a pas attendu la réaction royaliste pour y reprendre goût, pour ressentir même de l’enthousiasme pour ce qui avait été, dans les derniers siècles, au point de vue de l’art, l’objet d’une critique trop dénigrante. C’est au lendemain du pillage de l’abbaye de Saint-Denis et de nos autres églises que s’est réveillée la curiosité sympathique qui devait s’attacher désormais à nos sépultures nationales. Telle fut l’inspiration à laquelle on doit le célèbre musée des monumens historiques formé par Alexandre Lenoir en pleine révolution, où l’on peut voir à la fois un des symptômes et le prélude, le vrai point de départ de tout un mouvement nouveau.

Nous voudrions essayer de caractériser les phases diverses par lesquelles le faste funéraire à passé pendant sa longue existence historique, les aspects principaux qu’il a revêtus, le sens qu’y ont attaché les idées religieuses, la marque enfin qu’il a reçue des institutions politiques et sociales. Disons-le d’abord : ce faste lui-même est un fait dont les origines morales sont telles qu’on peut s’attendre à le rencontrer chez tous les peuples. Certains prédicateurs en ont porté la condamnation en termes trop absolus. Des niveleurs, partant de l’idée que la mort égalise tout, en ont même contesté la légitimité. Si ces critiques ne prétendaient atteindre que des excès trop réels nés de l’orgueil, il faudrait passer condamnation ; mais l’ornement des tombeaux comme la pompe des obsèques ont évidemment aussi des origines supérieures à la vanité. Un penchant impérieux nous porte à solenniser par des cérémonies et des emblèmes les événemens importans de la destinée humaine. Le plus solennel et le plus mystérieux de tous, la mort, appelle plus qu’aucun autre ces célébrations et ces symboles qui, à quelque degré que ce soit, sont déjà un commencement de luxe funéraire. Ceux qui sont allés jusqu’à vouloir en effacer toute trace n’ont pas vu à quels sentimens ils se heurtaient. Si le culte des morts est une satisfaction donnée à de pieux souvenirs, il ne se rattache pas moins à une croyance qu’on peut juger étrange sans qu’elle ait eu moins d’empire. C’est un fait, que l’humanité a cru et éprouve encore un singulier penchant à croire à une sorte de sensibilité chez les