Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 20.djvu/388

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Chez les barbares du nord, on rencontre les mêmes pratiques et les mêmes élémens de luxe funéraire. Malgré la simplicité de leurs funérailles et de leurs tombeaux, les Germains enterrent avec les morts leurs chevaux, et leurs armes. Les autres barbares furent loin en général d’avoir la même simplicité, et on trouve la preuve de leur habitude d’enfouir des valeurs dans les tombeaux. Montfaucon fait mention d’un tombeau, découvert près de Cocherel, en Normandie, où furent trouvés plusieurs corps avec des haches de pierre et des os taillés en pointe. Dès 1791, à Noyelle, près Abbeville, on tirait d’un tombeau à colline des urnes remplies de cendres et d’ossemens brûlés, près desquelles étaient des armes avec des cailloux aiguisés. Au temps de César, les Gaulois avaient rendu leurs funérailles « magnifiques et somptueuses, » selon ses expressions mêmes. Ils mettaient sur le bûcher les cliens, les esclaves du mort, enfin tout ce qui lui avait été cher, et jusqu’aux animaux qu’il avait aimés. On peut même voir, par ce qu’en disent des écrivains comme Pomponius Mela par exemple, que la croyance dans une autre vie, fortement maintenue dans l’enseignement druidique, avait des conséquences plus caractérisées encore que chez les autres peuples. Il y avait des hommes qui se brûlaient volontairement avec leurs amis pour aller de nouveau vivre avec eux dans un autre séjour. On envoyait aux défunts, par la voie des flammes, les créances qu’ils pouvaient avoir. Les amis du mort lui écrivaient des lettres qu’ils jetaient sur le bûcher : les vivans prêtaient de l’argent, à la condition qu’il leur serait rendu dans l’autre vie, etc. De telles coutumes supposent évidemment les idées et les instincts auxquels nous avons rapporté le luxe funéraire.

Les grandes nations civilisées du monde ancien porteront la même inspiration dans les faits du même ordre, qui prennent avec elles une importance toute autre au point de vue de l’art comme un sens tout autrement clair et profond sous le rapport religieux et moral. L’antiquité a eu la passion de tous les éclatans symboles, ce qui est un indice de jeunesse à la fois et un des traits les plus accusés des races méridionales. On s’explique par là que l’Orient ait été la patrie du grand faste funéraire. Joignez-y cette circonstance, capitale ici, qu’il a été le berceau de toutes les grandes religions. En demandant à l’Orient les enseignemens qu’il peut nous offrir, nous saisirons dans leur germe bien des développemens que les civilisations occidentales nous montreront sous les formes qui leur sont propres.

Mettons à part la Chine pour en dire quelques mots, en regrettant que les très savans résumés en un ou plusieurs volumes de l’histoire des peuples de l’Orient aient entièrement omis ce peuple, qui occupe une place si considérable géographiquement et par ses