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parvienne à l’enfermer dans la tablette funéraire à l’aide de cérémonies toutes particulières. Le second personnage, revêtu du costume que doit porter le grand mandarin aux enfers, représente l’âme chargée d’expier les fautes du défunt. Le troisième enfin, c’est l’âme victorieuse, celle qui habite au ciel avec les sages et les dieux. Comment s’étonner dès lors de la magnificence de ce personnage vêtu en guerrier, en triomphateur, et dont la tête est surmontée de deux grandes plumes de faisan qui s’élancent de sa coiffure ? De quelque façon que ces coutumes aient pu être modifiées par les révolutions religieuses de la Chine, le faste des obsèques et des sépultures se maintient avec certaines idées de survivance plus ou moins accusées. On cite des exemples fort anciens de ces magnificences pour les empereurs, et l’on voit comment, environ deux cents ans avant notre ère, fut enterré un des plus terribles réformateurs qu’ait eus la Chine, ce même Hoang-Ti qui décréta l’incendie des vieux livres et fit jeter dans les flammes avec eux quatre cent soixante lettrés qui s’obstinaient à les suivre. On enterra avec lui ses femmes qui ne laissaient pas de fils, bon nombre d’archers, et on lui éleva sur le mont Li un mausolée haut de 500 pieds, d’une demi-lieue de circuit, semblable à une montagne sur une montagne. Son cercueil, placé au centre, était entouré de trésors, éclairé par des lampes et des flambeaux entretenus avec de la graisse d’homme, et cette sinistre lumière éclairait un étang d’argent vif sur lequel on voyait des oiseaux d’or et d’argent. Dix mille ouvriers furent ensevelis vivans pour consacrer cet asile. Les croyances du bouddhisme durent favoriser ce culte des morts. Il trouva des encouragemens à d’autres égards dans le culte du tao fondé par Lao-Tseu, qui confine à la magie, aux évocations. On trouve dans l’ancienne Chine des prières pour les morts, la vénération des reliques, l’ordre légal de visiter les tombes au moins une fois par an. Les sectes même paraissent quelquefois renchérir sur cette importance donnée au culte des morts, mis au-dessus des prescriptions morales les plus importantes. Ainsi dans un ancien livre dont parlent les missionnaires, et qui avait pour titre les Mérites et les Démérites examinés, on engage le lecteur à ouvrir un compte à ses bonnes et à ses mauvaises actions et à le régler au bout de l’année : blâmer quelqu’un injustement compte seulement pour 3 dans la colonne des démérites, niveler une tombe compte pour 50, déterrer un mort pour 100. Tout tend aux ornemens des tombeaux. Aujourd’hui encore s’est conservée la coutume de déposer sur ces monumens chargés d’ornemens et d’inscriptions des corbeilles de fruits, de pâtisseries et de boissons spiritueuses. Le haut Orient antique et moderne présenterait des preuves d’un faste analogue et fondé sur les mêmes motifs religieux et politiques. La