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exécution qui sentent la décadence ou la médiocrité. Le Mausolée date de soixante-dix ans après Phidias. Or il ne faut pas toujours un si long temps dans les arts pour y amener de grands changemens, Dans l’analyse qu’il fait du monument, M. Beulé remarque qu’une tendance sensuelle perce dans certains accessoires qui décèlent le siècle des courtisânes. La frise était peinte de façon à accuser encore des nudités peu décentes. M. Newton assure que le fond était bleu d’outre(mer, les chairs rouges, les draperies et les armes de diverses couleurs. Les brides des chevaux étaient en métal. Comme religion, ne peut-on dire que ce monument ne saurait nous apprendre rien de nouveau ? C’est là aussi un paganisme de décadence. On est d’ailleurs ici en présence d’une œuvre dictée par des sentimens purement individuels, par l’exaltation de la tendresse conjugale, et plus évidemment encore par le désir effréné de produire un effet prodigieux. Le Mausolée ne méritait pas moins de nous arrêter un instant ; il représente une nouvelle forme, il inaugure toute une série de monumens funéraires. Sans doute il y avait eu quelques essais du même genre, mais ces essais se sont comme perdus dans le triomphal édifice qui devait inspirer, en Asie-Mineure, la tombe du lîon, à Cnide, le Madracen en Afrique, et toute une succession superbe d’autres tombeaux antiques et modernes.

Il y aurait ici peu d’utilité à poursuivre la même recherche pour le reste de l’Asie-Mineure, quelque curieuses qu’aient été les découvertes faites dans le Bosphore, aux environs de Kertch, ou à Koul-Oba. Les monumens funéraires de Carthage et de la Phénicie auraient plus à nous apprendre, puisqu’il s’agit d’un art particulier, mélange du style égyptien et du style assyrien. Les sarcophages ; carthaginois déposés au Louvre sont ornementés. Les piliers, les arcades, les caveaux recouverts de stuc et d’autres accessoires attestent le luxe funéraire dans la vaste nécropole de Carthage. de même les autres monumens funéraires purement phéniciens, ceux de Gébal, de Sidon, de Tyr, en portent des traces souvent remarquables. On regrette que les caveaux aient été presque toujours dépouillés des objets qu’ils renfermaient, de façon à nous priver de renseignemens précieux pour la connaissance des arts industriels et des représentations symboliques de la religion.


III

Entrons dans ce monde hellénique si plein de clartés ; voyons ce qu’y devint le faste funéraire, interrogeons sa signification symbolique. Remarquons d’abord le caractère mesuré en général de ce faste. En tout, chez cette race équilibrée, l’art prime le luxe. Pourtant le luxe eut là aussi sa part et même ses abus. C’est ainsi qu’à