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Sparte Lycurgue interdit d’enterrer des objets dans les tombeaux, et qu’à Athènes Solon défend d’habiller trop somptueusement les morts, prenant soin de régler le nombre des vêtemens, dont ils pourraient être enveloppés : il fixe de même les hauteurs que ne devaient pas dépasser les colonnes des sépultures. Chez les Grecs, l’homme paraît sous cette forme avec le même relief qu’il avait dans le culte, dans la philosophie, dans les institutions et dans les arts. Les tombeaux rappellent l’individu et le perpétuent pour ainsi dire en consacrant le souvenir de ce qu’il avait été.

Dans ces lieux de repos, qui répondent à une époque assez avancée de la civilisation grecque, où s’est en grande partie effacé le caractère effrayant des religions primitives, la douceur du génie hellénique est empreinte. L’imagination si éprise de la vie aime à se rattacher encore à l’idée d’une sépulture belle et ornée. Après la terreur de n’en avoir aucune, qui joue chez ce peuple un rôle de premier ordre, vient la crainte d’en avoir une indigne du rang qu’on occupe. Dans Euripide, Hécube se résigne à n’avoir de son vivant qu’une médiocre condition ; mais après sa mort elle voudrait que son tombeau fût digne d’une princesse et beau à voir. La joie et la tristesse exprimées sur la pierre se rencontrent dans des expressions d’une gravité touchante. De gracieux emblèmes font sentir une religion tout humaine. On respire en outre un certain air d’égalité qui semble rapprocher le marchand, l’homme d’état, l’orateur et le guerrier. Plutarque décrit le tombeau consacré au célèbre rhéteur Isocrate. On le visitait comme on va voir chez nous la tombe de quelque écrivain illustré. En somme, la décoration en était plus élégante que fastueuse. Elle consistait en quelques colonnes et en deux emblèmes : un mouton sculpté, image de la douceur, et une syrène, symbole de charme et de persuasion. N’est-il pas à remarquer que Pausanias, cherchant des exemples de tombeaux d’une magnificence extraordinaire, soit contraint de les emprunter aux pays de l’Orient ? Lucien pourra se moquer de l’idée qu’ont aussi les Grecs de vouloir nourrir les morts et de les abreuver, de même qu’il se moque des façons diversement bizarres dont les différens peuples traitent les corps des trépassés : « Le Grec brûle, le Perse enterre, l’Indien vernit, le Scythe mange, l’Égyptien sale ses morts : ce dernier même, j’en suis témoin oculaire, les fait sécher, les invite à sa table et en fait des convives. » Le mordant satirique fait parler un mort qui se plaint d’être dérangé trop souvent pour des libations et autres cérémonies. Il compare à des jouets d’enfant ces colonnes, ces pyramides. La part assez médiocre en somme faite à la critique par ce grand moqueur semble prouver pourtant que l’abus n’avait pas ici une étendue extrême.

C’est surtout pour les monumens funéraires d’un peuple