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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 20.djvu/458

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au pays natal. Les femmes européennes, et les Françaises en particulier, s’acclimatent très difficilement. J’ai remarqué que ceux de nos compatriotes qui avaient une transpiration abondante y jouissaient plus longtemps d’une santé parfaite ; dès que l’épidémie devient sec et rugueux, il faut se préparer à partir. Inutile de dire sans doute qu’en mangeant très sobrement, en évitant le soleil et en vivant à la façon des créoles, on est moins sujet à contracter les maladies régnantes. Les fièvres sont fréquentes chez les personnes indigènes ou étrangères qui vivent dans les provinces nord de Cagayan, de Nueva-Viscaya, de Pangasinan et de Nueva-Ecija. Comme ces contrées sont encore très boisées, les vents qui les traversent apportent les fièvres intermittentes à ceux qui vivent loin de l’air vivifiant de la mer. Le choléra fait dans l’archipel de fréquentes apparitions, mais sans y sévir avec beaucoup de violence ; les Indiens, qui ne prennent aucun soin de leur santé, sont les plus éprouvés : il est rare qu’un Européen en soit frappé. Les insolations sont fréquentes et mortelles. Parmi les maladies du pays qui n’atteignent que les Indiens, il faut citer la lèpre, l’éléphantiasis, de nombreuses éruptions cutanées et la gale, dont ceux qui en souffrent ne paraissent, avec raison, nullement honteux. Du reste, ils savent enlever de leur peau, avec une patience et une adresse admirables, l’acarus qui dévore leurs mains. Il y a une grande léproserie à Manille même, qui est un véritable foyer de pestilence. On laisse les lépreux se marier entre eux, courir la ville une fois par semaine pour recueillir des aumônes, et c’est ainsi que cette hideuse maladie se perpétue. Un simple attouchement de la main d’un lépreux, une pantoufle chaussée par mégarde, le pied nu sur un parquet souillé, suffisent pour communiquer l’infection. Il y a beaucoup de phthisie pulmonaire, parce que les Indiens se baignent, malades ou bien portans, glacés ou en sueur, à jeun ou en sortant de table. Ils appellent auprès d’eux des empiriques de leur race ou des médecins chinois d’une ignorance épaisse. La diète n’est jamais ordonnée, et c’est la bouche pleine qu’un Indien passe ordinairement de vie à trépas.

On ne connaît bien des Philippines que le littoral et quelques vallées encaissées entre des plateaux où vivent des tribus indépendantes. L’indifférence des Espagnols à cet égard est telle que des fenêtres des maisons de Manille on distingue parfaitement au fond de la baie le Marivelès, montagne habitée depuis un temps immémorial par les sauvages Négritos.

L’aspect des plaines et des régions cultivées ne répond pas à ce que l’imagination d’un voyageur attend d’un pays placé entre le tropique et l’équateur. A l’époque où les campagnes offrent aux regards de vastes étendues de verdure, on se trouve dans la saison