des pluies, et les routes sont à un tel point impraticables qu’il faut être buffle ou Indien pour oser s’y aventurer. Lorsque les riz se coupent, l’été commence, et les champs se transforment alors en chaumes monotones et brûlés du soleil. Dans les pays où vient la canne à sucre, la verdure de ces graminées toujours ondoyantes repose les yeux de l’éclat du jour, mais les tiges ne sont bien élancées et belles qu’aux époques où la chaleur est extrême ; alors, par crainte d’insolation, on évite de voyager pendant les heures où le soleil est ardent. Il faut aussi remonter bien haut le cours des fleuves pour ne pas être mortellement ennuyé à la vue de leurs berges monotones ; les rives sont sans arbres, sans ombre, et déchiquetées par des crues annuelles. Parfois cependant on y voit des bouquets de palmier éventail dont les racines ont réussi à s’attacher au sol. Il est rare de ne pas y rencontrer, à l’heure la plus chaude du jour, deux ou trois buffles qui, plongés jusqu’aux yeux dans la vase, s’y abritent du soleil. Des martins, des corbeaux, perchent sur les cornes noires de ces gros animaux, aussi confians que s’ils étaient perchés sur des branches mortes. La végétation des tropiques reprend ses droits dans les régions où la charrue de l’Indien n’a point passé, aux alentours des habitations, sur les chaussées des petits cours d’eau, au bord des lacs et sur les collines qui séparent les plaines des montagnes. Quoi de plus charmant en effet que ces routes bordées de mimosas énormes, d’aréquiers et de haies d’hibiscus, qui conduisent de Manille aux provinces de l’intérieur ? Le soleil n’en peut traverser les feuillages épais ; vertes retraites où habite tout un monde de loriots au plumage d’or, de tourterelles et de palombes. Les villages n’ont rien de la saleté qui distingue les villages européens. Chaque maison indienne est séparée de la maison voisine par de petites barrières en bambou, des massifs de bananiers, ou abritée par un immense manguier dont les fruits, d’un jaune éclatant à leur maturité, sont les plus savoureux que je connaisse. S’il y a une eau courante dans les environs, la population s’y baigne pêle-mêle tous les matins. Dans d’autres parties des îles, les maisons sont enfouies dans des bois de bambous ou de cocotiers qui les dissimulent aux regards. Là, les singes abondent, et si partout on leur fait une chasse impitoyable, c’est qu’ils font un grand mal aux récoltes et principalement aux champs de cannes à sucre. Les villages bâtis sur pilotis aux bords des lacs sont les plus pittoresques. Une végétation désordonnée les entoure, car les habitans s’y adonnent plus à la pêche et à la chasse qu’à la culture. Indépendamment d’une prodigieuse quantité de poissons blancs, ces lacs abondent en alligators et en scies énormes ; les canards sauvages s’y abattent par milliers ainsi que les sarcelles, les plongeons, les pélicans, les grues et les hérons ; mais l’hôte le plus gracieux
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