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crédit des institutions n’est point en progrès. Voilà la question qui a son importance à côté des questions diplomatiques. Voilà le mal, et il est de toute évidence que, si on ne s’arrête pas dans cette voie, si on ne se décide pas à redresser la vie parlementaire, à remettre en action le gouvernement, on arrivera par degrés à une situation affaiblie, diminuée, plus que jamais livrée aux compétitions ardentes des partis, qui ne désarment pas précisément parce que l’incertitude leur laisse la chance de l’imprévu.

On oublie un peu trop qu’un système d’institutions ne vit pas par lui-même, parce qu’il a eu un jour la bonne fortune de quelque circonstance exceptionnelle ou d’un vote heureux. Il vit par le caractère qu’il prend dans la pratique des choses, par les garanties qu’il offre à tous les intérêts, par la sagesse prévoyante et active de ceux qui le soutiennent et qui se proposent de le faire durer. Ce qui peut être une menace pour la république aujourd’hui, ce n’est point en vérité que M. le comte de Chambord publie un nouveau manifeste où il déclare une fois de plus qu’il est prêt, que le moment va venir ; ce n’est pas même que, par une de ces coalitions de partis où les plus habiles sont quelquefois dupes, l’impérialisme réussisse à introduire dans le sénat un représentant de plus, qui est d’ailleurs un ingénieur éminent, M. Dupuy de Lôme. Ces incidens récens sont un symptôme encore plus qu’une menace, ils ont leur place dans cette éternelle histoire d’une couronne pour deux prétendans. Les prétentions de L’un neutralisent les prétentions de l’autre, et le conflit de revendications serait plutôt rassurant pour le régime actuel. Ce qui est bien plus sérieux pour la république, c’est cette situation fausse où elle se traîne, où, maîtresse du terrain, elle ne réussit cependant ni à s’affermir d’une manière sensible, ni à désarmer les défiances, ni à inspirer l’idée d’un gouvernement offrant toutes les garanties de pondération et de protection à un pays affamé de repos. Lorsqu’au début de toutes les complications et de toutes les confusions de partis d’où est sortie la constitution nouvelle, M. Thiers disait que la république serait conservatrice ou qu’elle ne serait pas, il ne prononçait pas une vaine parole. Il résumait dans un mot tout un programme, la condition essentielle de la seule république durable, et il savait bien aussi que, pour faire vivre ce régime qu’il proposait, qu’il croyait le seul possible, il fallait rallier l’opinion, tranquilliser les intérêts, avoir dans le parlement une majorité modérée, éclairée, sachant éviter de toucher à tout, de soulever tes questions périlleuses sous prétexte de politique républicaine. C’est précisément ce qui a manqué, ce qui manque toujours dans cette chambre des députés issue d’une élection qui a été la victoire de l’ardeur républicaine et d’une inexpérience agitatrice telle qu’elle n’a jamais été peut-être égalée dans une assemblée délibérante.