Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 20.djvu/471

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 mars 1877.

Quelles que soient les préoccupations extérieures du moment, il y a une autre question qui n’a pas moins de gravité pour nous que les complications de l’Orient, qui n’est même pas au fond sans rapport avec le rôle que notre pays peut avoir encore à jouer dans le monde. C’est la question qui depuis quelque temps revient sans cesse et sous toutes les formes, qui se dégage de tout un ensemble de choses. Quelle direction prennent décidément les affaires intérieures de la France ? que font les chambres, le gouvernement pour créer la confiance, la sécurité sans laquelle les institutions, fussent-elles proclamées définitives, restent livrées au hasard ? où en est le baromètre politique ? va-t-il tourner au beau fixe ou au variable, aux giboulées, aux bourrasques et à la tempête ?

Rien n’est plus facile sans doute que de se payer d’illusions et d’apparences. Sous tous les régimes, il y a les optimistes, les satisfaits, les aveugles qui ne voient rien ou qui croient que tout est pour le mieux. Puisque les événemens ont répondu aux vœux des optimistes d’aujourd’hui et ont donné raison à leurs opinions, puisque la république existe désormais et a sa constitution, son parlement, sa majorité, son ministère, en attendant d’avoir ses fonctionnaires, préfets ou magistrats, qu’on lui promet, que faut-il de plus ? Eh bien ! l oui, la république et la constitution existent, elles sont reconnues comme loi de l’état, la paix intérieure n’est sûrement ni troublée, ni menacée, et cependant, on en dira ce qu’on voudra, il y a partout un invincible, un indéfinissable malaise ; la confusion éclate à chaque instant, l’incohérence est dans les pouvoirs, l’incertitude est dans les affaires. La vérité est que la direction n’est nulle part, que les chambres ne fonctionnent que pour se contrarier ou se défier, que le gouvernement, toujours perplexe, semble se proposer de gouverner le moins possible pour éviter les crises, et que le