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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 20.djvu/479

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rapports, d’exposés historiques, d’abrogations totales ou partielles, de modifications puériles. Elle s’est donné le champ libre ; elle prétend commencer son code en déclarant que toutes les lois anciennes sont abrogées. Elles seront abrogées à la condition d’être remplacées, et si la commission continue, elle n’est pas près d’arriver à la fin de l’œuvre qu’elle a si glorieusement inaugurée. Elle semble oublier la nature et la limite de sa mission. Elle n’a pas tout à refaire, elle n’a rien à inventer ; sa vraie mission serait de choisir parmi les lois anciennes, dont quelques-unes, celles de 1819, peuvent servir de modèles, les dispositions bonnes à conserver, — de grouper, de réunir ces dispositions éparses de façon à fixer la législation dans un cadre unique, en élaguant tout ce qui n’est que transitoire ou parasite. A ce prix, elle ferait non pas une œuvre nouvelle, qui serait d’ailleurs difficile aujourd’hui, mais une coordination utile qui simplifierait la situation confuse de la presse. La commission ferait bien surtout de réfléchir avant de refuser à M. le ministre de l’intérieur les garanties qu’il paraît avoir réclamées pour la répression des délits contre les souverains étrangers ; elle se rendrait ainsi par prévoyance à des nécessités d’un ordre général qui pourraient un jour ou l’autre lui être rappelées brutalement.

La commission de la presse ne voit pas qu’en agissant comme elle paraît disposée à le faire, en refusant les plus simples garanties, en étendant démesurément son travail, elle risque de tout compromettre ou de n’arriver à rien. Non, elle ne le voit pas, et c’est là justement ce qu’il y a de curieux dans ce monde parlementaire, dans cette masse de propositions qui vont encombrer d’innombrables commissions. Les auteurs de motions ne voient pas qu’ils font une œuvre vaine ou périlleuse, qu’ils ne réussissent qu’à propager le sentiment de l’instabilité et de l’incertitude. Ils croient naïvement travailler pour la république, ils ne s’aperçoivent pas qu’il y a plusieurs manières de perdre un régime, qu’il y a la violence d’abord, mais qu’il y a aussi le gaspillage du temps et du pouvoir. S’ils ne savent plus parfois où ils en sont, s’ils sont embarrassés eux-mêmes au sein de leur agitation stérile, ils ont sans doute une ressource, une façon de tout expliquer : c’est la faute du sénat ! S’il y a des plaintes, elles ne peuvent évidemment venir que de mécontens systématiques, des ennemis de la république. Fort bien ! En attendant, les auteurs de propositions inutiles, le ministère qui les laisse trop souvent passer, ceux qui veulent faire vivre la république et le sénat comme la chambre, devraient méditer ces paroles que M. Thiers aurait, dit-on, prononcées récemment, qu’il était digne de prononcer : « L’esprit modéré dont nous nous réclamons consiste à avoir des idées de gouvernement. Je fais le métier de la vieillesse, je prêche dans le désert ; mais il faut bien défendre le dernier reste de l’esprit de gouvernement… » C’est la moralité de nos affaires intérieures.