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monte l’escalier ! .. Fuis, disparais, ô général couvert de lauriers, le tyran de Chypre t’a entendu… Tiens !… le voilà !… » Galatée aussi triomphe ; sa beauté revêt un caractère surnaturel et le public, transporté, l’applaudit victorieuse dans le crime.

Plus loin, Rennos revient ; « il a vu son injustice, la tristesse l’a pris ;… » il fait à Galatée le récit menteur du meurtre, et devant sa douleur elle n’a pas un regret ; elle le console, elle l’embrasse : « Laisse. Toute pensée lugubre ensevelie avec Pygmalion dans la nuit d’hier, dit-elle, voici qu’un nouveau matin se lève pour nous. » Et plus bas, tandis qu’elle aussi apporte de l’eau pour laver le glaive sanglant : « Ah ! si j’avais su qu’un instant seulement tu te serais ainsi affligé, c’est la main seule de Galatée qui se serait plongée dans le sang… » Alors Rennos tire son épée ; il la frappe : « Ah ! jamais, tu ne m’as jamais aimée ! » Elle dit ces seuls mots en tombant : « Mais ne t’en va pas, viens près de moi, Rennos ! » Et elle meurt en apercevant Pygmalion qui l’a entendue et qui se précipite éperdu : « Tout, je comprends tout, s’écrie-t-il ; dieux, pourquoi m’avez-vous trompé ? Et toi, Rennos, pourquoi ? .. » Est-elle morte adultère ? reprend-il après un instant de douloureux silence. — Non ! — Et il s’agenouille, il étreint Galatée ; il l’appelle, il pardonne, il pleure, et la toile tombe pendant qu’Eumèle, le prêtre d’Apollon, paraît au fond de la scène, étendant les mains pour rappeler la vengeance des dieux.

L’émotion que laisse la lecture de ces dernières scènes est profonde, et dès lors l’auteur n’a pas manqué son but. L’action, qui pourrait perdre à n’être pas aussi condensée que dans le chant populaire, est néanmoins d’une seule pièce, rapide, poignante. Plus d’une situation difficile à traiter se dénoue avec bonheur ; certains élans de passion chez Galatée sont admirablement saisis et ne sauraient être rendus d’une façon plus dramatique, l’expression est heureuse, émue, souvent d’une très grande poésie. Sans doute, jugé dans son ensemble, le drame pressente plus d’une imperfection : on y relève quelques répétitions, des longueurs surtout qui suspendent l’intérêt ; mais en somme l’œuvre existe, elle est faite, et en raison même de la difficulté, la critique saura gré à M. Basiliadis d’avoir appliqué les ressources de son talent à une tentative qui sera quelque jour renouvelée.


PAUL D’ESTOURNELLES DE CONSTANT.


Le Chemin des bois, poésies pu M. André Theuriet, 2e édit. Paris 1977. Lemerre.


Le Chemin des bois date d’il y a une dizaine d’années, et la plupart des pièces ont paru pour la première fois ici même ; mais le livre n’a rien perdu de sa fraîcheur. M. Theuriet est un de ces poètes qui, ayant