kilomètres reliait le port à la capitale. Si c’était encore là le seul chemin de fer du royaume, une autre ligne beaucoup plus importante était concédée dans la direction de Livadia et de la frontière turque; une troisième enfin, devant relier Athènes au golfe de Corinthe, à Patras et au centre du Péloponèse, était décidée en principe. Tous ces projets ont malheureusement été abandonnés pour longtemps encore. Le manque de capitaux semble avoir empêché les travaux ou les avoir arrêtés. La Grèce, qui, pour développer ses ressources et sa population, aurait tant besoin de moyens de communication, se trouve, au point de vue des chemins de fer, dans une situation particulièrement déplorable. Aux obstacles que dans tous les pays maritimes et péninsulaires met à la création ou au rendement des voies ferrées la concurrence de la voie de mer, s’ajoutent, dans l’étroite presqu’île, les obstacles du sol, partout hérissé de montagnes ou coupé de marais. Ce n’est point tout : la Grèce, trop pauvre et trop petite pour avoir sur son propre sol un réseau rémunérateur, est trop isolée de l’Europe pour pouvoir compter sur les avantages qu’apportent partout la jonction des réseaux et le transit international. La Grèce, allongée comme à dessein vers l’Afrique, a beau sembler une jetée destinée à servir à l’Europe centrale de point d’embarquement pour l’Egypte, les Indes et l’extrême Asie, cette admirable position restera longtemps mutile pour elle-même et pour l’Europe. Le Pirée, qui mieux encore que Salonique pourrait rivaliser un jour avec le Brindisi de l’Italie, ne recevra pas de longtemps les voyageurs ou la malle des Indes, La Grèce aurait beau, comme elle en avait l’intention, prolonger ses chemins de fer jusqu’au golfe de Volo et à la frontière turque, elle ne verra point la Turquie prolonger les siens jusqu’à elle pour la relier au grand réseau européen. Sous la domination ottomane, la Thessalie n’a aucun espoir d’être pourvue d’une voie ferrée, et ainsi l’Hellade est condamnée à ne pouvoir se rattacher à l’Europe. Privée de sa base territoriale, elle est pour ainsi dire coupée du continent, elle perd les avantages de sa situation péninsulaire et demeure pour l’Europe une sorte d’annexé excentrique et comme une île abordable seulement par mer.
Le premier progrès à signaler en Grèce depuis son émancipation, c’est la multiplication de ses habitans. Tombée vers 710,000 âmes en 1832, au lendemain de la guerre de l’indépendance, la population du royaume doit être aujourd’hui de 1,500,000 à 1,600,000 âmes[1]. En dehors même des îles Ioniennes, tardivement annexées, le nombre des habitans de la Grèce propre aura doublé
- ↑ Le recensement de 1870 donnait le chiffre de 1,226,000 âmes pour la Grèce sans les îles Ioniennes, de 1,458,000 âmes avec ces îles. La population atteint sa plus grande densité dans les îles Ioniennes, puis dans les Cyclades, ensuite dans le Péloponèse la Grèce continentale vient en dernier lieu. Là comme partout, c’est au bord de la mer qu’habitent les Grecs.