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quelques parcelles éparses de ces herbes, avec un bâton de coudrier rompu en deux.

On rencontrait une preuve plus éclatante encore de ce luxe funéraire intérieur dans le tombeau attribué à Childéric, père de Clovis, découvert en 1653, près de Tournai. On fut émerveillé de trouver, près du squelette du prince, sa lance, sa hache, son baudrier, son épée et deux bagues, dont l’une portait son nom et présentait son effigie. Il y avait aussi des restes d’hommes et de chevaux qui attestaient des immolations faites sur le tombeau. Les objets précieux abondaient tellement que les ouvriers et le peuple commencèrent par le piller. On put recueillir encore un petit globe de cristal, un vase d’agate, plus de trois cents médailles d’or ou d’argent, toutes antérieures à l’année 480, époque de la mort de Childéric; plus de trois cents petites figures en or, qui représentaient grossièrement une fleur de lis ou des abeilles, des agrafes, des boucles, des filamens ou restes d’habillemens, la plupart garnis en pierres précieuses, enfin beaucoup d’autres objets également en or. Une partie de ces antiquités devait passer à la cour de Vienne, puis être donnée à Louis XIV, pour être ensuite déposée au Louvre dans le cabinet des médailles, et de là au cabinet des antiques de la bibliothèque royale.

En vain tous les pouvoirs s’armèrent-ils pour protéger ce luxe funéraire contre des vols sacrilèges. La loi visigothe condamnait le coupable à la restitution, à une amende, et lorsque ni lui ni sa famille n’étaient en état de restituer, à recevoir cent coups de fouet. Plus sévère encore, la loi franque prononçait contre cette sorte de vol le bannissement, sans qu’il fût permis au coupable, ni à aucun de ses proches ni à sa femme même, de lui donner du pain ou de lui fournir un asile. Cette peine durait jusqu’à ce que sa famille eût conclu un accommodement avec celle du mort. Plus tard un des serviteurs de confiance du défunt fut commis à la garde du sépulcre.

Dans les bas siècles du moyen âge, le luxe funéraire diminue sensiblement. Faut-il, comme on le fait souvent, en accuser la misère des temps? Cette misère n’a pas empêché les églises de s’enrichir de très précieux ouvrages. C’est sous le coup des continuelles invasions des barbares que l’orfèvrerie religieuse a pu accumuler des trésors, tantôt appréciables par le poids considérable du métal, tantôt déjà travaillés avec art. Dès le Ve siècle, ce bel art de l’orfèvrerie a commencé à fleurir avec l’école de Limoges ainsi que dans d’autres villes, Cologne, Nuremberg, Florence, Paris, pour produire, à la fin du VIe siècle, les œuvres les plus remarquables avec saint Éloi. En outre, si le faste funéraire est rare, hâtons-nous de dire qu’il ne manque pas. Ces magnifiques châsses enrichies de pierreries en forment une partie fort importante. On se plaît à répandre