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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 20.djvu/565

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usage, les débauches de la strava ou repas funèbre se mêler aux pompes guerrières, aux splendeurs des tentures, aux jeux funèbres et aux chants des poètes qui célébraient le puissant roi des Huns. Toutes les fastueuses prodigalités, comme toute la férocité des vieux cultes, se rencontrent dans les détails qui accompagnent la sépulture de ce chef barbare. Le corps superbement vêtu, renfermé dans un triple cercueil, le premier d’or, le second d’argent, le troisième de fer, accompagné de carquois couverts de pierreries, d’armes prises sur l’ennemi et des meubles les plus précieux, fut descendu la nuit dans la terre, pour dérober la trace de sa présence et de tant de richesses enfouies. On ajouta la précaution cruelle de faire mourir tous les ouvriers qui étaient dans le secret. Combien d’autres holocaustes, inspirés par des motifs tout religieux! Que de défenses réitérées, à Carthage par exemple, avant que l’église parvînt à mettre un terme à ces sacrifices sanglans!

Le luxe funéraire intérieur, qui cache ses richesses pour les consacrer aux défunts, ne cessa pas d’enfouir des trésors dans les tombeaux. Cet usage, en provoquant la cupidité, devait causer la destruction d’une masse de richesses d’art et de monumens intéressans pour l’archéologie. On peut à peine s’en faire quelque idée par les vols et les dévastations qui eurent lieu dans un endroit fréquenté et surveillé comme pas un, l’église Saint-Germain-des-Prés, qui servit de sépulture royale depuis Childebert, fils de Clovis, jusqu’à Dagobert, fondateur de l’abbaye de Saint-Denis. L’ouvrage de Montfaucon est là-dessus curieux à consulter. Le célèbre bénédictin assistait aux fouilles dans cette église de Saint-Germain-des-Prés, vers 1729, et il signale en témoin oculaire les spoliations qui furent alors constatées, les vols les plus audacieux de la part de gens de qui on pouvait le moins les attendre. Qui le croirait? un des principaux spoliateurs fut un des moines de la congrégation de Saint-Maur, un des gardiens de ces trésors. Ce malheureux avouait son méfait au moment de mourir. Une autre fois, en 1645, ce sont les ouvriers qui, dans les travaux de reconstruction du chœur, pillent particulièrement les sépultures de Childéric II, de son épouse et du jeune Dagobert. Le vol était resté ignoré, lorsqu’en 1656 de nouveaux travaux furent exécutés sous le chœur; alors on se rendit compte de la gravité des pertes et des dégâts. Les ouvriers accusés, tout en se défendant d’être eux-mêmes les auteurs du vol, reconnurent qu’en ouvrant le cercueil de Childéric, ils avaient vu sur le visage du prince une toile d’or, et sur sa tête un grand passement d’or en forme de diadème; il avait des éperons et une ceinture enrichie d’ornemens en argent. La reine sa femme, parée de ses habits royaux, avait sous la tête, en forme de coussin, un faisceau d’herbes aromatiques. En effet, le cercueil contenait encore