Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 20.djvu/569

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trop belle, Hautecombe, ma mignonne! tu ne pourras pas subsister!»

Dans les siècles qui précédèrent, le système généralement établi des tombes plates ne devait pas pourtant exclure tout luxe funéraire, il s’en faut, et l’art décoratif dépassait bientôt le simple dessin linéaire représentant l’effigie du défunt. Sans doute, la figure en pierres de couleurs du tombeau dit de Frédégonde n’est qu’une exception, mais destinée à devenir de moins en moins rare. Lorsque les tombes plates, exhaussées elles-mêmes, permirent de mesurer d’une façon moins avare la place réservée à la sépulture, le moment vint où les effigies furent plus fréquemment exécutées en bronze coulé ou repoussé. Elles posèrent sur de petites colonnes, parfois sur des lions. La tombe plate finit ainsi par comporter une sorte de luxe quelquefois imposant. On le peut voir dans le chœur de l’abbaye de Saint-Denis par le tombeau de Charles le Chauve représenté en demi-relief, la tête sur un coussin, les pieds sur un lion, la main droite tenant le sceptre fleurdelisé, la gauche une sphère, vêtu de trois robes et portant la couronne fleuronnée. Les deux petits anges tenant la tête, les encensoirs, les quatre statuettes d’évêques, les lions de bronze, le fond de la plaque émaillé en bleu, avec fleur de lis et réseau d’or, achèvent de présenter l’image d’un faste funéraire assez avancé. On verra se multiplier les monumens de cuivre doré et émaillé dont l’effet était encore accru plus d’une fois par un superbe éclairage placé sur les côtés. Plus d’un spécimen de ce genre a provoqué pendant les siècles l’admiration dans l’église de Villeneuve, à Nantes, dans les abbayes de Braisne et de Royaumont, dans les cathédrales de Beauvais, de Paris, dans d’autres encore. Combien déjà de statues peintes, couchées sur un lit peu élevé, avec mailles dorées et cottes armoriées! Que sera-ce quand, au sein des églises agrandies, de ces magnifiques cathédrales sorties de terre en même temps que le soupir de délivrance, à partir du XIe siècle, les tombes plates, sans disparaître, feront place à des constructions funéraires plus étendues, où l’architecture et la sculpture trouvent à se déployer également ! Les niches et chapelles, les édicules en forme de dais, ne suffisent plus bientôt. Dès le XIIe siècle, avec Nicolas de Pise, commence à paraître la forme superbe du mausolée. On a une image déjà du grand faste funéraire monarchique de la royauté française dans la sépulture de Philippe Ier inhumé à Saint-Benoît-sur-Loire, couché sur son tombeau, revêtu des insignes royaux, tenant en main un gant de fauconnerie. Les cénotaphes ou tombeaux vides appelleront aussi le développement des arts décoratifs, qui se déploient avec grandeur dans le monument surmonté de la statue de Dagobert, que Suger fit élever à Saint-Denis.