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Qu’on ne s’imagine pas que ceci soit un rêve. L’avenir qui attend les stations européennes dans cette région est assuré par le succès des postes arabes de l’intérieur. A Kazeh dans l’Unyanyembe, à Kawélé au bord du Tanganyka, à Kwakasonga sur le Lualaba, les trafiquans arabes ont des résidences permanentes. Ils y vivent dans une grande aisance; ils ont de vastes maisons, des troupeaux, de la volaille, des esclaves. Par les caravanes qu’ils envoient régulièrement à la côte, ils font venir du café, du thé, du sucre, des armes, des étoffes. Même dans une région beaucoup moins accessible, à Kyangwé, bien au-delà du Tanganyka, Cameron a trouvé un Arabe, Jumat Mericani, faisant des échanges à la fois avec Zanzibar et avec Benguela, c’est-à-dire avec les côtes des deux océans.

Les indigènes sont d’un naturel exceptionnellement doux et pacifique, car, quoique les étrangers venus dans le pays n’y apparaissent guère que pour faire la chasse aux esclaves, ruiner les villages et les dépeupler, presque partout les voyageurs anglais ont pu se procurer des vivres au prix ordinaire, et s’ils ont été volés, c’est presque toujours par leurs propres porteurs. Les cultures sont très bien entendues et faites avec soin, et les hommes y travaillent presque tout le jour. Quand le pays n’est pas dévasté par la guerre, la population augmente et la jungle se défriche rapidement. Cameron en cite un exemple remarquable. Quand Burton et Speke se dirigèrent vers l’intérieur, dans le voyage où ils découvrirent le Tanganyka, en 1857, ils eurent beaucoup de peine à traverser le pays de Mgunda-Mkali. L’eau manquait, la jungle était presque infranchissable, et beaucoup de porteurs y périrent. Lorsque Cameron y arriva en 1873, tout était changé. Une tribu des Wanyamwési, refoulée par des guerres locales, s’était fixée dans la contrée; au milieu de la forêt, elle avait construit des villages, creusé des puits et converti la jungle en champs parfaitement cultivés. L’aspect du pays était ravissant ; il ressemblait aux beaux sites des parcs anglais. Des stations européennes trouveraient donc autour d’elles les moyens de vivre dans l’abondance, et si, en se multipliant, elles parvenaient à rendre moins fréquentes les guerres de tribu à tribu qui désolent le pays, le progrès serait assuré, et le bien-être augmenterait rapidement.

Un autre exemple du succès qui attend le colon dans ces contrées longtemps considérées comme inabordables nous est fourni par les aventures dont M. Bonnat a récemment fait le récit à la Société de