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l’administration d’un territoire assez peuplé, assez étendu, mais malsain. Faut-il parler en Océanie des îles Marquises, de Taïti, de la Nouvelle-Calédonie? Celle-ci seule mérite qu’on la mentionne, pour ce qu’elle coûte, non pour ce qu’elle rapporte, car jusqu’à présent elle ne nous vaut que l’agitation périodique des demandes d’amnistie.

La Martinique, la Guadeloupe et la Réunion ont une industrie sérieuse, une culture de grande valeur, dont les produits comptent dans l’ensemble de nos importations; notre commerce y trouve à placer une grande quantité de marchandises, nos navires et nos matelots y sont assurés d’un emploi constant. Ces trois colonies méritent donc un intérêt tout spécial ; elles se trouvent dans des conditions exceptionnelles. Ce sont des départemens français habités par une société polie, hospitalière, élégante, et par une multitude d’électeurs de race africaine parfaitement illettrés. On y jouit de tous nos privilèges, entre autres d’administrateurs plus payés qu’occupés; il y existe des journaux de toute couleur, plutôt rouges que de toute autre nuance, et, pour couronner l’édifice, des partis qui se combattent et des opinions très avancées qui l’emportent. Ainsi dotées, ces fractions du territoire français, favorisées par le soleil, n’ont vraiment rien à désirer, car, jouissant de tous les bienfaits de la liberté et de l’égalité, non moins que les nègres eux-mêmes, les colons possèdent encore des avantages particuliers qui sont refusés à la mère-patrie. C’est ce que nous aurons à démontrer. Au demeurant, ces trois colonies sont florissantes et prospéreront encore davantage quand elles auront achevé de payer leurs dettes. La France s’est montrée prodigue à leur égard. Leur situation industrielle est bonne, leur situation politique prépondérante. Il est utile de bien établir ces faits, car les colonies sont promptes à la plainte. Sous ce rapport, l’abolition de l’esclavage et la fabrication du sucre indigène les ont servies, loin de leur nuire, car elles ont tant fait valoir le préjudice qu’elles avaient éprouvé qu’il n’y a aucune sorte de réparation qu’on ait cru pouvoir leur refuser.

Il faut remonter à l’origine des choses et rappeler l’ensemble de mesures qui constituaient ce qu’on a appelé le pacte colonial. A proprement parler, il n’y a jamais eu de pacte entre la France et ses colonies. Celles-ci ont été constituées dans le seul intérêt et au seul profit de la France, de son industrie, de son commerce et de sa navigation ; les anciens mémoires et les dépêches des gouverneurs du temps en font foi. En fait, la métropole se réservait le droit d’approvisionner les colonies de tout ce qui pouvait leur être nécessaire; en échange elle leur accordait le droit d’approvisionner la métropole de toutes les denrées produites par leur agriculture et leur industrie.