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sous le drapeau d’un envahisseur étranger. Cette attaque de l’ennemi fut d’ailleurs, pour les troupes du commissaire de la convention, l’occasion d’un véritable triomphe. Ces troupes étaient au nombre de quelques centaines d’hommes, qui furent assaillis par 3,500 soldats et marins anglais, et, malgré l’infériorité du nombre, ils ne purent être chassés de leur position. L’ennemi, qui essayait de gravir le morne où la troupe française s’était retirée, fut repoussé avec une perte de 2,000 hommes, et cette affaire, brillante pour nos armes, le démoralisa tellement qu’il évacua précipitamment la Pointe-à-Pître en y laissant ses vivres, ses munitions et ses effets d’équipement. Le récit circonstancié auquel nous empruntons ces détails s’exprime en ces termes : « C’était une magnifique victoire : un commissaire de la convention, à la tête de 800 Français, battit complètement 3,500 Anglais. À l’aide de ces faibles moyens, grâce à ses talens de commandant en chef, à son énergie, à la valeur de ceux qu’il avait l’honneur de commander, il infligea un sanglant échec à l’un des meilleurs amiraux de l’Angleterre[1]. Victor Hugues avait été matelot ; ce fut une grande gloire pour lui de vaincre un amiral. À la fin de l’année 1794, il n’y avait plus dans l’île un seul soldat étranger. La Guadeloupe fut reprise en 1810 par les Anglais, qui l’occupèrent jusqu’à la paix de 1814.

À l’époque de la révolution, l’île de la Réunion, qu’on appelait alors Ile-Bourbon, avait une population de 60,000 âmes dont 10,000 blancs et 50,000 esclaves. Cette colonie était en grande prospérité, et cependant on y cultivait surtout les grains nourriciers et le café : elle en exportait alors !i millions de livres, plus 100,000 livres de coton. Quant aux cultures dites vivrières, non-seulement elles suffisaient aux besoins de la consommation, mais faisaient l’objet d’un commerce considérable, puisqu’elles fournissaient « tous les blés nécessaires à l’approvisionnement de l’Ile-de-France et aux besoins de la navigation. » L’assemblée constituante l’avait dotée en 1790 d’une représentation locale investie de droits très étendus. La métropole se trouvait dans l’impossibilité de contrôler l’exercice de ces droits, à cause de l’éloignement et de la difficulté des communications ; les colons en profitèrent pour s’attribuer une véritable souveraineté, puisqu’ils allèrent jusqu’à faire des lois criminelles, instituer le jury et les municipalités. Ils finirent par se mettre en révolte ouverte et, pour éviter la proclamation de l’abolition de l’esclavage, ils refusèrent de recevoir les agens qui l’apportaient et qui ne purent même pas mettre le pied dans l’île. À la même

  1. Histoire des Marins français sous la république, par M. Rouvier, lieutenant de vaisseau.