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les monts d’Auvergne pourraient en être couverts. Les Alpes conservent encore quelques gros pins, qui deviennent de jour en jour plus rares dans les espinasses et les pinatelles de la Provence, du Dauphiné et de la Savoie. Dans les Pyrénées, le pin sylvestre n’est représenté le plus souvent qu’à l’état d’arbres disséminés. Cependant au fond du Capsir, dans la plaine des Angles élevée de 1,540 mètres, traversée par l’Aude, alors simple ruisseau, entourée de hauts versans qui l’abritent de toutes parts, la forêt de Mattemal constitue un massif de pin sylvestre à peu près pur. Établi là sur une plate-forme de diluvium faisant terrasse au bord de l’Aude, ce pin donne vers l’âge de deux cents ans des arbres de 0m, 65 de diamètre à la base et 17 mètres de hauteur en bois d’œuvre. Dans ce petit bassin, isolé des plaines de France par les gorges de l’Aude inaccessibles jusqu’à nos jours, les arbres n’ont qu’une faible valeur, mais une grande utilité; ce pays ne peut tirer le bois du dehors, et sans bois il serait inhabitable.

Le pin de montagne commence à se mélanger au pin sylvestre dans la forêt de Mattemal. Aux alentours, il couvre les versans granitiques du Capsir, du Roussillon et de la Cerdagne, tout autour de Mont-Louis. C’est à l’altitude de 2,000 mètres que règne le pin de montagne dans les Alpes comme dans les Pyrénées ; il descend à 400 ou 500 mètres plus bas et s’élève à 400 ou 500 mètres plus haut dans les conditions qui lui sont les plus favorables. Il n’est pas possible de confondre ce pin, dont l’écorce est uniformément grise, avec le pin sylvestre, qui se trahit toujours par quelques parties rouges sur le fût ou au moins à la naissance des branches, et à première vue on le distingue ainsi avec la plus grande facilité. Le pin de montagne est d’ailleurs un autre arbre : droit, en pyramide aiguë, riche en branches menues et courtes, portant un feuillage serré, il forme à Mont-Louis comme à Briançon des forêts épaisses; mais il végète lentement et ne prend que bien rarement de fortes dimensions. Dans les Alpes, on l’appelle suffin, en le subordonnant par son nom même au pin sylvestre qui est le grand pin de la région; un suffin de 0,40 à 0m,50 de gros diamètre est déjà un bel échantillon de l’espèce. On en trouve cependant de plus gros et même quelques-uns de dimensions doubles, particulièrement dans la forêt communale du Liau en Cerdagne.

En bas comme en haut de la station qui lui convient, ce pin se déforme et dégénère. Sur le sol ingrat des déjections torrentielles, où il s’installe souvent au fond des vallées, il buissonne ou se presse en un massif épais de tiges grêles et se soutenant mal; c’est aux arbres de cette forme qu’on a donné le nom de pins mugho. A la limite supérieure de la végétation forestière, et notamment sur le vers nt nord des Alpes suisses, il se couche et rampe au loin sur le