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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 20.djvu/673

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sol qu’il couvre assez bien ainsi; de là les noms de zwergkiefer et de legföhre, pin rameux ou couché. Les botanistes l’ont aussi désigné sous le nom de pin à crochets, à cause de l’apophyse des écailles du fruit, qui est fréquemment recourbée vers la base du cône en une sorte de crochet. Ce cône se distingue encore par une teinte luisante, tandis que celui du pin sylvestre est d’un gris mat. Le feuillage du pin de montagne est aussi d’un vert plus sombre que le feuillage grisâtre du pin sylvestre, et cette différence permet de reconnaître à une distance assez grande et parfois même de plusieurs kilomètres la ligne horizontale qui sépare les deux espèces sur un même versant, dans une même pinée formée de sylvestre en bas et de suffin en haut, ce dernier au-dessus de 1,700 mètres par exemple.

D’une importance toute locale, le pin de montagne se retrouve en certains points des Karpathes, dans les monts Sudètes et au Caucase. Il semble très indifférent au sol et se présente sur les terrains les plus divers, mobiles ou rocheux, siliceux ou calcaires, secs ou tourbeux. On le rencontre même, accompagné de bouleaux rachitiques, sur les tourbières des hautes régions; il s’y présente parfois à l’état de curiosité botanique, ainsi dans le Jura, les Hautes-Vosges et les montagnes d’outre-Rhin, au loin des rares centres où il est abondamment répandu.

Le pin cembro, l’arole des Alpes suisses, est appelé aussi auvier en français, ayou en patois, arve en allemand, keder, mais à tort, en Russie, où on lui a donné par confusion le nom du cèdre, étranger à l’Europe. Il porte sûrement d’autres noms encore au-delà des monts Ourals. C’est un arbre sporadique, jeté par bouquets sur les grandes hauteurs et de loin en loin depuis les Alpes de Provence jusqu’au Kamtchatka. Il semble affectionner les recoins obscurs et froids, les lieux les plus reculés, soustraits par la nature à l’action de l’homme et des troupeaux.

En France, le pin cembro ne descend guère au-dessous de 2,000 mètres d’altitude; il se présente surtout dans la zone tranquille, également habitée par les marmottes, qui est comprise entre 2,000 et 2,200 mètres. Il y est le plus souvent disséminé par pieds épars dans le haut des forêts de mélèze et de pin de montagne. Grâce à l’abri protecteur de ces arbres, il a grandi avec le temps; ceux-ci peuvent avoir disparu plus tard, et l’arole, alors isolé à la limite de la végétation arborescente, protège à son tour, en arrière-garde, la forêt qui descend. Quelquefois encore il forme massif; ainsi dans la forêt des Ayes, dont le nom vient de l’ayou même, ce pin est l’essence principale sur 200 à 300 hectares de terrain. Cette petite forêt appartient à la commune de Villars-Saint-Pancrace,