bienfaisante. Je n’ai pu savoir le nombre des maisons que l’ordre des frères de Saint-Jean-de-Dieu possède dans la chrétienté. Les membres de l’ordre que j’ai interrogés ne le savaient pas eux-mêmes. Souvent ils n’apprennent le nom et l’existence de quelqu’une de leurs maisons que par un pieux usage. Lorsqu’un frère vient à mourir sous n’importe quels cieux, en Europe, en Amérique, ou ailleurs, toutes les autres maisons de l’ordre en sont informées dans le plus bref délai possible, et, aussitôt que la nouvelle est reçue, la messe doit être dite, et la communauté tout entière doit se mettre en prière pour le repos de l’âme du frère trépassé.
Le bâtiment où est situé aujourd’hui l’asile des jeunes garçons incurables est un bâtiment entièrement neuf qui a remplacé la modeste maison particulière où l’œuvre avait été d’abord installée. Cette réédification aurait été tôt ou tard rendue nécessaire par l’extension qu’avait prise l’œuvre elle-même ; mais ici c’est la nécessité qui a fait loi. On ne saurait s’imaginer tout ce que cette malheureuse maison a souffert pendant les événemens de 1870 et de 1871. Située à quelques centaines de mètres des fortifications, sous le feu des batteries de Châtillon et de Meudon, elle avait été exposée pendant un mois au bombardement prussien. Force avait été d’évacuer les bâtimens et de faire descendre les enfans dans les caves. À peine la paix avait-elle été signée, à peine le supérieur de la maison avait-il pu se rendre compte du dégât commis et songer au moyen de le réparer, que l’insurrection de la commune éclatait. Le feu des batteries de Meudon, occupées cette fois par des troupes françaises, s’ouvrait de nouveau, et force était de condamner une seconde fois à une existence souterraine, dans l’atmosphère humide d’une cave, tout ce personnel d’enfans infirmes et souffreteux. Pendant ce temps, une ambulance était établie dans le parloir de la maison, et les fédérés daignaient permettre, au prix de quelques grossièretés et de quelques injures, que les frères soignassent leurs blessés. Enfin, lorsque la résistance de l’insurrection paraissait à la veille d’expirer et que la communauté pouvait se croire arrivée au bout de ses tribulations, l’explosion de la cartoucherie du quai de Javel lézardait la maison du haut en bas et la rendait inhabitable. On pouvait craindre que l’œuvre, qui ne dispose d’aucune ressource assurée, ne succombât sous le poids de tant d’épreuves et de tant de charges ; mais il n’en fut rien, et aujourd’hui un bâtiment plus grand, plus solide, mieux installé, s’élève à la place de l’ancienne maison. Comment cela s’est-il fait ? « La Providence est venue à notre aide, » vous répondent les frères, et dans la bouche d’hommes qui ont passé par de pareilles angoisses, cette réponse, on peut le penser, n’a rien de banal.
Tel qu’il est aujourd’hui installé, l’asile de la rue Lecourbe peut