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RVUE DES DEUX MONDES.

Oakhurst, pendant ce temps, n’a songé qu’à dégager une de ses mains, à saisir un revolver dans sa poche, et il va s’en servir quand l’apparition des agens met la bande en fuite. Sandy, qui attendait dehors et qui arrive complètement ivre, est emmené par le détective, qui n’ignore pas son vrai nom.

Ces incidens remplissent le troisième acte. John Oakhurst est au pied du mur; voici comment se dénoue, dans le quatrième, sa périlleuse situation. Il s’explique avec le bon Sandy, qui, loin de lui garder rancune, se jette dans ses bras, lâcheté qui remplit d’indignation le colonel Starbottle, témoin de leur entretien. Sandy n’ose pas encore affronter son père; il se cache lorsqu’il l’entend venir. Ici se place une scène assez inattendue et, disons-le, répugnante. Le vieux Morton, qui depuis la mort de sa jeune femme avait renoncé aux boissons spiritueuses, se laisse aller, en causant avec Oakhurst, à boire un verre de limonade, y reprend goût, et finit par se griser complètement. C’est dans cet état que le voit son fils, et l’horreur que lui inspire ce spectacle est si forte qu’elle le guérit lui-même de sa funeste passion. Glissons sur les scènes qui suivent. Le vrai fils a repris sa place dans la maison paternelle à l’insu de son père, car Oakhurst est resté; enfin on se décide à tout dire au vieillard, lequel, toujours un peu gris, éclate d’abord et chasse les deux « intrigans » de sa présence. Ils s’en vont, Oakhurst suivi de Jovita, qui ne veut pas se séparer de lui; don José lui-même consent à les marier. Alors le vieux Morton se ravise; poussé par son ami Starbottle, il déclare qu’il adopte John Oakhurst et qu’il le garde comme associé en même temps que son vrai fils, qui épousera sa cousine miss Mary.

Telle est cette comédie compliquée, enchevêtrée, qui, si elle ne manque ni de mouvement ni d’humour, donne une singulière idée du niveau moral des spectateurs qu’elle a en vue. Elle nous fait connaître une société à demi barbare, où la délicatesse, la probité, la droiture, ne sont pas précisément nécessaires pour être considéré, où l’ivrognerie et l’imposture sont des peccadilles qui ne tirent pas à conséquence ; Bret Harte ne se pique pas, il l’a dit plus d’une fois, de tirer de ses récits des leçons de morale : c’est un réaliste qui n’a souci de la justice distributive, qui se contente de peindre ce qu’il a vu. Ce n’est pas là le côté le plus recommandable de son talent ; l’indifférence avec laquelle il traite la morale gâte l’impression que nous laissent ces peintures trop crues de la vie californienne, et nous ne nous lasserons pas d’avertir l’auteur de tant de charmans récits qu’il glisse aujourd’hui sur une pente où il est difficile de s’arrêter.



Un gentilhomme français au XVIIIe siècle. Le comte de Plélo, par M. J.-B. Rathery. Paris 1876.


Le titre complet donné par l’auteur à cet intéressant volume dit à lui seul déjà ce qu’a été le héros et avec quel soin le livre a été composé.