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géographiques, il s’en servait sans cesse, et les employait même à décorer les édifices publics : on aimait à les peindre ou à les graver le long des murailles des temples ou sous les beaux portiques qui servaient de promenades aux oisifs. Parmi ces cartes, les plans de Rome, comme on pense, ne manquaient pas. Nous en avons précisément retrouvé un, de proportions colossales, qui remonte au temps de Septime-Sévère. Il était gravé sur des plaques de marbre de Luna, attachées au mur par des crampons de fer, et devait couvrir, quand il était entier, une surface de 300 mètres carrés. Ce qui en reste a été soigneusement recueilli et encastré dans la muraille de l’escalier du Capitole[1]. On peut prendre quelque idée, en le regardant, de ce qu’était Rome au IIe siècle : les rues y paraissent étroites et peu régulières, quoiqu’elles eussent été singulièrement élargies et rectifiées après l’incendie de Néron. Les théâtres, les thermes, les basiliques, tous les monumens publics y sont retracés à leur place, et souvent indiqués par une légende; les maisons particulières elles-mêmes semblent dessinées avec exactitude, et l’artiste a tenu à reproduire les portiques dont elles étaient souvent ornées le long de la rue pour la commodité des promeneurs. Je n’ai pas besoin d’insister sur les services que ce plan peut rendre à ceux qui étudient la topographie de Rome : les guides du voyageur ne sont pas moins utiles. Il y en avait assurément, et en grand nombre, dans une ville où affluait le monde entier. Ceux que nous avons conservés appartiennent tous aux derniers siècles de l’empire : ce sont en général des itinéraires, comme il s’en trouve dans les guides d’aujourd’hui, où l’on conduit le voyageur d’une extrémité de Rome à l’autre en lui nommant tous les édifices qu’il doit rencontrer sur son chemin. Les anciennes rédactions de ces itinéraires sont courtes et sèches; mais dans les plus récentes on éprouve le besoin d’intéresser le lecteur, et on lui raconte une foule de légendes merveilleuses, pour qu’il prenne plus de plaisir aux curiosités qu’on lui montre. Après douze ou quinze cents ans, ils peuvent nous rendre à peu près les mêmes services qu’ils rendaient aux voyageurs du bas-empire ou du moyen âge : ils nous aident à nous diriger dans ce dédale de rues tortueuses, et parmi ces ruines de monumens détruits et souvent méconnaissables. Avec ces ressources de nature diverse, ces renseignemens fournis par les auteurs anciens, ces plans et ces guides, la topographie de la vieille Rome devient, je crois, facile à refaire, et l’on n’a plus à craindre de ne trouver dans ce sol qu’on fouille que des énigmes indéchiffrables.

Rien ne le démontre avec plus d’évidence, rien n’est plus propre

  1. Ces fragmens qui restent du plan de Rome ont été gravés avec soin et accompagnés d’un commentaire savant dans le livre que M. Jordan a récemment publié et qui est intitulé Forma urbis.