personnelle se mêlât aux débats : de là l’importance qu’on y donnait aux procès politiques; ils y étaient aussi fréquens qu’à Athènes, et les hommes d’état passaient leur vie à accuser et à se défendre. Les partis n’avaient pas d’autre moyen de s’attaquer que de traduire réciproquement leurs chefs en justice. C’étaient des spectacles très dramatiques que ceux où l’on voyait un grand personnage entouré de sa famille en larmes, de ses cliens et de ses amis, venir sur le Forum défendre son honneur et sa fortune; aussi la foule était-elle fort empressée à y assister. Elle n’était pas moins nombreuse à ces assemblées que convoquaient les magistrats pour s’entretenir avec le peuple. La démocratie est partout fort exigeante et très soupçonneuse; à Rome comme ailleurs, elle voulait que ceux qu’elle avait nommés aux charges publiques lui rendissent compte de leur conduite. C’était un devoir auquel on ne manquait pas quand on voulait conserver sa confiance. Caton, qui fut un des types les plus accomplis du magistrat populaire, se tenait toujours en relation avec ses commettans. Il les réunissait sans cesse pour leur raconter en détail ce qu’il avait fait, leur disait sur tout son opinion avec cette verve bouffonne qui plaît tant à la multitude, les entretenait des autres et de lui-même, sans ménagement pour ses adversaires, qu’il appelait volontiers des débauchés et des fripons, tandis qu’il ne tarissait pas d’éloges sur sa sobriété et son désintéressement. Le peuple prenait grand plaisir à ces communications, qui lui faisaient sentir sa souveraineté. Dans les momens d’émotion publique, quand on savait qu’un tribun devait parler contre le sénat ou traiter quelque question brûlante, les artisans abandonnaient leurs travaux, les boutiques se fermaient, et de tous les quartiers populaires on descendait en foule au Forum. Ces jours-là, le Forum, encombré de monde, devait paraître bien étroit. Il l’était encore plus quand on y réunissait ces comices législatifs dont je viens de parler. Il fallait prendre alors certaines précautions pour le vote, partager la place en trente-cinq compartimens séparés pour y parquer les tribus, construire ces passages resserrés qu’on appelait des ponts, où les citoyens ne pouvaient passer que l’un après l’autre pour venir déposer dans les corbeilles leur billet de vote. Quand on jette les yeux sur le Forum tel qu’il existe aujourd’hui et qu’on voit le peu d’étendue qu’il occupe, il est vraiment bien difficile de comprendre qu’il ait jamais pu suffire à toutes ces complications et contenir le peuple romain rassemblé.
Il est vrai qu’on nous dit que cette place que nous avons sous les yeux n’était pas tout à fait le Forum de la république, mais celui de l’empire. On suppose que c’est sous l’empire seulement qu’il a été ainsi rétréci, et l’on ajoute qu’il pouvait l’être alors sans aucun inconvénient, le peuple n’ayant plus de lois à y voter; mais cette