que dans la ville, dont la grandeur l’étonnait, car il n’y avait pas encore en Amérique d’agglomération d’un million d’habitans. D’ailleurs on lui rendait bien en curiosité la monnaie de ce qu’il avait apporté. Quelqu’un qui ne se souvenait plus que la Nouvelle-Angleterre eût été jadis une colonie britannique lui manifestait sa surprise de ce qu’il parlait si bien l’anglais qu’on ne l’aurait pas supposé étranger à première vue. Le lion de la saison était cette année sir Humphry Davy, qui, jeune encore et simple professeur à l’Institution royale, était devenu à la mode autant par de brillantes qualités personnelles et par un riche mariage que par ses découvertes scientifiques. C’est de lady Davy que Mme de Staël disait qu’elle avait tous les talens de Corinne sans en avoir ni les défauts ni les extravagances. Ticknor avait apporté des lettres de recommandation pour Gifford, l’éditeur de la Quarterly Review; celui-ci l’introduisit chez le libraire Murray, où s’assemblaient à de certains jours les écrivains en renom de l’époque, Disraeli, le père du ministre actuel, l’historien Hallam, lord Byron lui-même dans tout l’éclat de sa réputation. Tout ce monde fit le meilleur accueil au jeune Américain. Sir Humphry Davy lui remit des lettres pour Mme de Staël et pour de La Rive, lord Byron lui en donna pour Fauriel et pour Ali-Pacha. On le voit, il commençait son tour d’Europe sous d’heureux auspices.
Le 4 août, il arrivait à Gœttingue avec son ami Everett : tous deux avaient l’intention d’y faire un long séjour afin de compléter leurs études. L’université de cette petite ville était la plus florissante de toute l’Allemagne. Fondée par George II, roi d’Angleterre et de Hanovre, elle était restée en quelque sorte sous le patronage de la couronne britannique jusqu’à l’invasion française. Plus tard, sa situation géographique l’avait préservée; tandis que Halle, Leipzig, Iéna, étaient bouleversées, Gœttingue restait calme sous le gouvernement de Jérôme, roi de Westphalie. Ce monarque avait bien fait mine de se fâcher lorsque professeurs et étudians, après la retraite de Moscou, ne dissimulèrent plus leur haine contre les Français. En somme, il n’y eut que des menaces et point de mesures de rigueur. La paix faite, l’université se retrouva intacte avec son corps enseignant, sa bibliothèque, ses dotations. Avec ses 10,000 habitans, Gœttingue était bien l’asile le plus agréable qu’un étudiant studieux pût rêver : une population peu nombreuse et façonnée tout entière à la vie universitaire, une bibliothèque de 200,000 volumes, riche surtout en ouvrages modernes, où chacun pouvait puiser à son aise, quarante professeurs titulaires et tout autant de professeurs suppléans, parmi lesquels plusieurs, tels que Gauss, Blumenbach, dont la réputation était universelle. Quant aux relations mondaines