de Dieu avec l’homme, disait-il encore, est un scandale pour les philosophes de métier. Ils disent : Dieu doit être surhumain; mais s’il plaisait à Dieu de se faire homme, s’il lui plaisait de s’abaisser? Pourquoi n’en aurait-il pas la liberté? On voit ici clairement les tendances de cette dernière phase de Schelling : ce n’est pas seulement un retour au théisme, mais au christianisme. Dans sa réponse à Jacobi[1], il insistait encore sur l’idée d’un Dieu qui se crée lui-même. Il voulait qu’on entendît à la lettre le causa sui de Spinoza, ce qui veut dire que Dieu est antérieur à lui-même. Il disait que Dieu est à la fois « le premier » et « le dernier. » En tant que premier, il n’est pas Dieu : c’est l’absolu, objet de la philosophie de la nature, ce n’est que le Deus implicitus, et la philosophie de l’idendité n’était aussi que la connaissance implicite de Dieu. C’est seu- lement le principe dernier, l’omega, qui est Dieu dans le sens éminent, Deus explicitus.
Toutes ces idées, on le voit, étaient bien antérieures à 1840, puisque Schelling les avait émises de 1809 à 1813. Elles avaient été peu remarquées et comme noyées dans le grand courant de l’idéalisme logique dont Hegel était alors l’interprète heureux et puissant. Ce que Schelling appela plus tard la philosophie positive ne fut que le développement de ces mêmes idées appliquées à la théorie de la mythologie et à la théorie de la révélation. On a caractérisé justement cette philosophie en l’appelant un néo-gnosticisme, et elle a en effet d’assez grandes analogies avec la mystérieuse et confuse philosophie des premières hérésies chrétiennes; mais notre objet n’est pas d’insister sur ce côté de sa philosophie: Nous n’avons voulu qu’en résumer les traits généraux et la pensée fondamentale. C’est à M. Ed. Secrétan, l’auteur de la Philosophie de la liberté, que nous demanderons le développement systématique.
Le mérite de M. Secrétan est d’avoir creusé la notion d’absolu et d’en avoir fait sortir l’idée de la liberté absolue. Toute la force de son argumentation consiste à avoir analysé cette fameuse définition de Dieu donnée par Descartes aussi bien que par Spinoza : Dieu est « cause de soi. » Il soutient énergiquement que c’est là une expression qu’il faut entendre à la lettre, que seule elle est adéquate à l’idée de l’absolu, que, si l’on n’admet pas à la rigueur un être se posant lui-même, se créant lui-même, se donnant l’être à lui-même,
- ↑ Denkmal der Schrift von den göttlichen Dingen, Tubingue 1812.