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sont les territoires de la Pampa, des Andes, du Liniay, du Rio-Negro, du Rio-Chubut, et enfin le plus vaste, le moins connu et le moins réellement possédé, celui de la Patagonie. C’est principalement de ces territoires déserts que nous nous occuperons.

Il nous faut laisser de côté les territoires du nord, assez différens de tous les autres en raison de leur latitude tropicale, et où une végétation arborescente est entretenue par la chaleur humide de cette région baignée par de grands fleuves et fréquemment inondée en raison du peu d’élévation du sol. Ces territoires cependant ont beaucoup des caractères de leurs congénères du sud : ils en diffèrent en ce que la forêt y apparaît quelquefois; mais cette forêt même participe de la pauvreté de toute la région, elle n’a nulle part cet aspect touffu et impénétrable qu’elle présente dans les autres contrées tropicales, ou dans les contrées sylvestres des régions plus froides. Elle est clair-semée : genre de forêt tout à fait spécial, le seul connu, à de rares exceptions près, dans la plaine sud-américaine, elle se distingue de la forêt épaisse et ombreuse en ce qu’elle ne présente nulle part un toit de verdure formant un abri continu contre les rayons du soleil; elle est caractérisée par l’isolement et l’espacement des grands arbres entre lesquels poussent d’autres plantes arborescentes formant une espèce de fourré bas qui donne à toute cette région l’aspect d’une coupe récente, où l’on a respecté quelques arbres vieux et de haute futaie. De grands fleuves à peine explorés comme le Pilcomayo, le Vermejo et le Salado du nord, même les rivières des provinces de Cordova et de Santa-Fé, sont encore ou ont été bordés de forêts de ce genre. Le territoire du Grand-Chaco, baigné par ces larges cours d’eau, et qui occupe une superficie de 8,000 lieues carrées, est entièrement couvert de forêts clair-semées composées d’arbres de haute tige, isolés les uns des autres, et des essences les plus dures. Les feuillages de ces arbres sont généralement grêles et peu fournis, assez semblables à ceux du saule et de l’eucalyptus globulus; leurs feuilles sont épaisses, petites, non pennées, les extrémités des rameaux sans rigidité, s’agitant au gré du moindre vent, ne lui opposant pas même cette résistance qui ailleurs produit sous la brise un harmonieux bruissement, langage sévère de la forêt que nous connaissons, murmure que l’on écoute et que l’on se rappelle avec émotion.

La forêt n’existe dans aucune partie de la plaine, elle appartient en propre à ces territoires, et, si nous descendons dans la pampa proprement dite, nous ne trouvons plus cette végétation espacée, même dans la partie habitée et fertile qui se distingue des autres moins habitables par des caractères particuliers que nous