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avons analysés ici même[1]. Ces dernières sont aujourd’hui encore telles qu’elles étaient au jour de la conquête, elles n’ont rien perdu de leur primitif aspect de désolation, ne possèdent qu’une rare verdure, sorte de pelage presque roux en hiver aussi bien qu’en été, du sable, une poussière argileuse, et dans quelque creux, de maigres et chétifs arbustes, ne dépassant pas 6 ou 8 pieds; plus abondans dans les parties plus rapprochées des Andes, ils restent généralement au-dessous de cette hauteur, si bien qu’un cavalier peut dominer ces petits bouquets de bois, et, au lieu de marcher protégé par leur abri, projeter son ombre sur leurs cimes.

Plus on se rapproche de la Cordillère, plus la pampa manifeste sa stérilité; le terrain en est, en effet, formé d’alluvions modernes composées de détritus des cailloux charriés depuis la montagne par les cours d’eau qui en descendaient : il en résulte qu’au pied de ces montagnes restent amoncelés de gros débris généralement peu ou point arrondis que la force motrice aujourd’hui disparue a transportés et abandonnés là. Plus on s’éloigne en aval, plus la grosseur de ces pierres diminue, faisant place à un gravier progressivement plus petit, qui lui-même disparaît enfin tout à fait. Des agens divers qui ont travaillé à constituer le sol pampéen, l’eau courante descendant des hauteurs de la chaîne des Andes et servant de véhicule aux parcelles de roches déplacées par des commotions, alors plus fréquentes qu’aujourd’hui, était le plus puissant. Ces eaux douces venaient se mêler à celles de l’Océan dans un détroit ou peut-être un grand golfe, pénétrant fort avant dans le continent actuel, à l’endroit même où existe aujourd’hui le lit des grands fleuves qui descendent vers l’Atlantique, — golfe ou détroit dont la présence a été démontrée jusqu’en amont de la ville de Parana, située aujourd’hui à 200 lieues de l’Océan, et dont l’estuaire de la Plata, quelque immense qu’il puisse nous paraître, n’est qu’une réduction.

L’absence des arbres est donc générale dans la pampa; dans la partie fertile, on a fait des plantations artificielles, mais le sol ne semble pas s’y prêter suffisamment. Durant les premiers temps de leur végétation, la croissance des quelques espèces que l’on est parvenu à acclimater est très rapide, plus peut-être que partout ailleurs; mais la couche d’humus, fort peu épaisse, est rapidement traversée par les racines; elles rencontrent alors une couche de sable plus ou moins durci qui, s’opposant au développement de l’arbre, le condamne à l’immobilité, sinon à une décrépitude prématurée. C’est cette raison, beaucoup plus encore que la force des vents, qui hâte le découronnement des arbres de haute tige : parmi

  1. Voyez la Revue du 15 juillet 1875.