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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 20.djvu/872

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géologie de ce continent, périt malheureusement enseveli sous le tremblement de terre de Mendoza en 1864. Il attribuait la formation des dépôts pampéens à des causes atmosphériques et terrestres, posant en principe qu’à l’époque où vivaient les grands mammifères éteints, il ne s’était produit autre chose que des phénomènes semblables à ceux que nous avons constamment sous les yeux, formation de dunes de sable sur le bord de la mer et accumulation de ce sable sur toute la plaine sous l’influence des vents. Le sous-sol de la pampa est, dit-il, absolument semblable par sa composition à celui des dunes en France; de plus, si l’on étudie l’histoire des dunes, il est facile de suivre leur envahissement successif au grand préjudice des riverains, de noter les villes ensevelies : celle de Escoublac en 1779, et 25 kilomètres de côtes subissant le même sort près de Saint-Pol-de-Léon, dans le Finistère, de 1666 à 1722. Une végétation naturelle quelconque, un lichen suffit à fixer ce terrain mobile et à lui donner un peu de consistance. C’est un phénomène semblable qui a lentement formé l’immense surface pampéenne. La végétation et les animaux ont dit souffrir de violentes perturbations dans les conditions de leur existence et de leur habitat; les tempêtes devaient activer la formation du dépôt, très lente en temps de calme. C’est pendant ces perturbations atmosphériques que les animaux émigraient là où ils rencontraient une alimentation plus abondante; de là ces grandes accumulations d’ossemens. Aujourd’hui même, il n’est pas rare de voir de violens pamperos ou vents de la pampa soulever des dunes intérieures, que l’on nomme medanos, malgré leur épaisseur, qui atteint souvent 20 mètres. Les contemporains ont eu plusieurs fois sous les yeux, dans les plaines de Buenos-Ayres, des phénomènes qui peuvent servir de point de comparaison. C’est ainsi que de 1827 à 1831 se produisit une grande sécheresse, encore présente à l’esprit de ceux qui en ont souffert, sous le nom de la gran seca. Pendant ces trois années, à peine tomba-t-il sur toute la surface du terrain pampéen quelques pluies passagères. Tout le pays, desséché, fut converti en un immense désert; les bêtes sauvages, réunies aux animaux domestiques, erraient et mouraient ensemble. La terre, soulevée par les rafales du pampero et désagrégée par la sécheresse, tourbillonnait dans l’air et couvrait rapidement des monceaux d’animaux, les uns déjà morts, les autres impuissans à se lever et tués par la tempête. Des troupeaux innombrables, entraînés instinctivement vers les lagunes connues ou les rives des fleuves, débilités par le manque de nourriture, se traînaient jusqu’à la rive fangeuse; les derniers venus forçaient les premiers à avancer, et tous s’enfonçaient sans avoir la force de sortir de cette boue