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Retenons donc toutes ces propositions, elles concordent ensemble et nous paraissent jusqu’ici contenir la meilleure théorie de la formation du terrain diluvien et de la vie dans les pampas à une époque géologique antérieure.


III. — LA PATAGONIE.

Le territoire patagonien, qu’il nous reste à parcourir pour compléter l’étude de la partie orientale du continent sud-américain, commence géographiquement au Rio-Negro par 40°, et géologiquement au nord du Rio-Colorado par 41°. Il diffère par sa constitution et son aspect général du territoire pampéen, dont il est la suite, en ce qu’il se compose non pas d’une plaine uniforme, mais bien de steppes disposées par étage et formant de vastes plateaux juxtaposés en gradins successifs depuis l’Atlantique jusqu’aux Andes, Ces terrasses sont au nombre de huit; la plus élevée forme la base de la Cordillère, la plus basse la côte de l’Océan, comme une falaise de 55 mètres d’élévation. Elles se prolongent du Rio-Colorado au détroit de Magellan, et dans certains points rapprochés de ce détroit elles n’ont pas assez de largeur pour qu’on ne puisse d’un lieu élevé en embrasser l’ensemble et compter d’un coup d’œil les gradins de cet amphithéâtre s’étendant sur une longueur de 14 degrés et sur une superficie de 20,000 lieues carrées. Dans le centre des plateaux successifs existent de profondes dépressions du sol qui sont les seuls endroits garnis d’un pâturage assez maigre, brun et coriace, sans uniformité et parsemé de bouquets d’arbustes épineux dont les plus élevés atteignent à peine 6 pieds. L’eau n’existe nulle part en permanence sur ces plateaux : le sol serait, il est vrai, trop compacte pour l’absorber; mais les pluies sont peu abondantes, et l’évaporation s’en fait rapidement sous l’influence des vents qui soufflent du cap Horn. Le mirage cache presque toujours l’horizon derrière une vapeur trompeuse qui s’élève de la surface surchauffée; le guanaque seul, dont les formes et le mode d’existence rappellent le chameau d’Afrique, peut vivre dans ces plaines misérables. De distance en distance, le sol est coupé perpendiculairement à l’Atlantique par cinq grands fleuves, presque sans affluens : le Rio-Colorado, le Negro et le Chubut, d’une importance à peu près égale, puis le Rio-Chico et le Rio-Santa-Cruz, qui, plus rapprochés du détroit de Magellan, sont nécessairement moins importans. Ces cours d’eau sont formés de la fonte des neiges et roulent leurs flots rapidement, plus ou moins puissans suivant la saison, à peu près en ligne droite depuis les Andes jusqu’à l’Océan. La végétation est un peu moins pauvre sur leurs rives; ils sont bordés de saules rouges qui, malgré leur importance relative, semblent