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commises par des tribus descendant des montagnes du Chili; mais il s’en était donné une autre toute personnelle, qui consistait à étudier ce pays pour faire bénéficier de tous ses renseignemens l’Angleterre, à laquelle il ne cessa de conseiller une expédition dans ces parages, afin d’y établir un port de ravitaillement d’où l’on pourrait facilement assaillir les établissemens espagnols des deux océans. La partie qu’il décrit avec passion est la rive de la baie sans fond, ou baie de Saint-Mathias, située par 39 degrés. Si nous comparons ses récits et ses descriptions merveilleuses aux relations des explorateurs modernes, nous devons croire qu’il avait, par un hasard heureux, mis le pied sur le seul point fertile de toute cette région. Il semble cependant qu’en Angleterre, aussi bien qu’à Buenos-Ayres, on fit peu de cas de tous ces renseignemens; il ne s’y fonda aucun établissement d’importance, il y eut simplement quelques maisons de refuge de pêcheurs, dont Darwin retrouva les ruines en 1832. Le dédain le plus absolu pour tout le territoire patagonien, c’est là tout ce que produisirent et la légende de la ville de Césarès et les ordonnances des rois d’Espagne et la croyance que l’on avait généralement que tout le sol américain devait contenir des richesses sans nombre. Il semble au contraire que de notre temps la mode soit aux explorations en Patagonie; on s’occupe de cette contrée, on y cherche, sans beaucoup de résultats, il est vrai, quelque élément de fortune à exploiter, — des relations récentes en font foi. — Nous ne mentionnerons ici que les voyages qui ont un objet scientifique, et en particulier celui du commandant W. Musters, qui, en 1870, explora ce continent presque dans sa totalité, et ceux d’un jeune archéologue déjà fort connu en Europe par ses études anthropologiques, M. Francisco Moreno.

Les beautés du paysage, les richesses du sol ne sont pas ce qui saurait attirer personne en Patagonie.. Sorti des vallées des grands fleuves, dont le lit est bordé d’une bande de terrains assez étroite couverte de pâturages plus ou moins riches, on ne trouve plus que les plateaux qui dominent ces vallées, domaine exclusif du quanaque et de l’autruche, etc. Ce n’est aussi que sur la rive des fleuves que de loin en loin le voyageur rencontre quelque tribu indienne méfiante, sinon hostile. M. Moreno avait pu en 1874, dans un premier voyage limité aux environs de la ville argentine du Carmen de Patagones, se rendre un compte exact de toutes ces misères locales; mais il avait en même temps mis la main sur un trésor anthropologique suffisant pour lui laisser entrevoir des découvertes plus importantes encore, qu’il a poursuivies depuis dans des voyages successifs dont il publiera bientôt les résultats définitifs.

En 1874, M. Moreno, parti pour la Patagonie à la recherche