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Page:Revue des Deux Mondes - 1877 - tome 20.djvu/884

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dernière preuve de confiance, une sorte de stage très actif comprenant une mission à Buenos-Ayres, l’obtention de certains avantages jusque-là refusés; en un mot, les fonctions de plénipotentiaire très diligent de toutes les tribus, ce qui porte avec soi moins d’honneur que de charges. Forcé de renoncer au passage pour ne pas compromettre ses relations et l’appui qu’il trouvait dans ces régions, M. Moreno limita donc son exploration à la vallée du Rio-Limay, qu’avant lui aucun blanc n’avait parcourue : les campemens de Shay-Hueque et de Nancucheuque lui servaient de centre. Il trouva chez ces deux importans caciques toutes les démonstrations d’une vive amitié d’où la méfiance et l’hypocrisie n’étaient cependant pas exclues; il vécut de la vie de la tente, un peu moins dure que celle qu’il avait connue en voyage.

L’habitation de Shay-Hueque est la plus grande de ces régions, elle mesure 12 mètres de largeur, les murs et le toit sont faits de peaux de chevaux tendues et fixées à des pieux, le sol est couvert de peaux de guanaques cousues ensemble en forme de grands tapis. Elle est idéalement divisée en deux compartimens. D’un côté sont posés sur le sol les lits des quatre femmes du cacique et de ses nombreux enfans; ces lits sont un amoncellement de peaux de moutons et de guanaques, recouverts d’une peau de cheval dont le revers est orné de peintures; auprès de chacun de ces lits, une branche d’arbre piquée en terre sert à suspendre les vêtemens. De l’autre côté de la séparation imaginaire, tous les hommes indistinctement peuvent prendre place pour dormir. Les femmes sont chargées des soins de cet intérieur fort propre et bien disposé, en tout point supérieur au rancho du gaucho de la plaine civilisée. L’Indien même semble avoir plus de besoins que ce dernier, il sait employer à son usage, à l’amélioration de sa demeure tous les objets qui sont à sa portée, se faire des plats de bois, des armes de pierre; une fois sous la tente, il ne se contente plus de viande crue et exige de ses femmes une certaine habileté culinaire que favorisent peu les élémens restreints dont il dispose. Il faut attribuer son goût pour un bien-être relatif à l’influence du milieu pittoresque où il vit, qui lui inspire des pensées nécessairement plus élevées que ne saurait en inspirer la pampa à son habitant. Ces campemens sont en effet situés à l’entrée des vallées des Cordilières, à 7 lieues du volcan de Quetropillan, entouré de forêts d’araucaria imbricata dont le tronc mesure plus de 4 mètres de circonférence; le sol est couvert de fraisiers, la lisière du bois est formée de tuyas et de pommiers dont la présence dans ces régions, inexpliquée, est attribuée à des fruits jetés ou consommés le long du chemin par les Indiens de Valdivia dans leurs traversées des Andes : il est à remarquer en effet